Nous sommes des héritiers
- Michel
- 11 juin
- 2 min de lecture

Charles Delhez sj —
L’Église est misogyne. L’idée est bien ancrée. On raconte qu’au 2e concile de Mâcon, au 6e siècle, on aurait débattu de l’âme de la femme. Et effectivement. Mais on oublie un détail : un seul évêque sur 43 a posé la question. Le chroniqueur Grégoire de Tours commentait : « Moi, j’aurais mis cet évêque à garder les porcs. » De ce concile, nous n’avons donc retenu que la phrase d’un idiot !
L’histoire nous apprend qu’en fait, au long des siècles, l’Église a promu la femme, à l’encontre notamment de la société antique. Le grand Aristote affirmait : « La relation du mâle à la femme est par nature celle du supérieur à l’inférieur, du gouvernant au gouverné. »
Nous, catholiques, nous en sommes venus à trop facilement mépriser notre histoire. Sans sourciller, nous acceptons les légendes véhiculées par certains médias ou au café du commerce, oubliant « ce que le monde lui doit à l’Église », pour reprendre le sous-titre du livre récent Pour l’Église, publié par la sérieuse maison Perrin. Christophe Dickès y plaide tant pour l’Église si décriée aujourd’hui que pour la science historique trop oubliée.
Mesurons-nous le legs considérable de l’Église, dans la mouvance de l’Évangile et du Nouveau Testament ? Son influence a souvent été déterminante positivement. « Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants », selon le mot de Bernard de Chartres. Le passé nous porte et, grâce à lui, nous pouvons continuer à regarder vers l’avenir.
Dans ce livre rédigé à la lumière des dernières recherches historiques, notre historien parcourt les grands domaines et illustre, avec force érudition, combien nous sommes riches de nos origines lointaines : la perception du temps et de son organisation, l’approche de la recherche scientifique, les soins dans les hôpitaux, l’égalité et la complémentarité de l’homme et de la femme, la transmission des savoirs grâce aux nombreuses universités, le droit international et le droit des gens, notre vision de l’Europe ou même de la guerre, la place de l’État, la conception de l’individu et de sa conscience, l’émergence de la modernité. Le lecteur va de surprise en surprise. Certes, et l’auteur ne le cache pas, il y a eu des salauds, mais aussi tant de précurseurs.
L’histoire n’est jamais linéaire, celle de l’Église comme des civilisations. Elle est complexe et se lit tout en nuances. « L’inventaire est fait de pages sombres comme de pages glorieuses, d’un entre-deux aussi », écrit Christophe Dickès. Dans tout champ, n’y a-t-il pas de l’ivraie et du bon grain ? Mais à force de considérer l’ivraie, on en oublie la beauté du grain qui mûrit.
L’historien est un pontife et non un antiquaire : il fait des ponts, entre le passé et l’avenir. Saint-Bernard disait que l’Église devait avoir des yeux en avant et en arrière. Pas question de retrouver un âge d’or utopique, mais de puiser dans le passé sa force créatrice. Les croyants qui ont fait l’histoire de l’Église sont intimement liés à ce que nous sommes devenus. Nous ne vivons pas dans des ruines, mais nous sommes des héritiers qui souvent s’ignorent.
Ce livre est un plaidoyer pour la connaissance de l’histoire de l’Église. Les manquements, mais aussi les grandeurs nous enseignent encore. Nous pouvons être fiers de cette histoire, même si les erreurs nous invitent à garder l’humilité.
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