Le retour du rite
- Michel
- 1 oct.
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Charles Delhez sj —
Le ritualisme, le rite pour le rite, pour être en règle ou pour faire comme tout le monde, est à bannir. N’a-t-il pas détourné beaucoup de gens de la pratique religieuse ? Les catholiques, en effet, sont particulièrement attachés aux rites, parfois jusque dans le détail. C’est ce que l’on appelle le rubricisme. Dans le gros missel du prêtre à l’autel, il y a, en petits caractères rouges, quantité de notes qui font preuve parfois d’ouverture, mais enchaînent aussi quand on prend tout au pied de la lettre. La soif rituelle reste cependant d’une brûlante actualité, souligne Gabriel Ringlet dans son récent Des rites pour la Vie, chez Albin-Michel (2025). Depuis 2018, au Prieuré Ste-Marie à Malèves, dans son école des rites et de la célébration qui se veut pluraliste, avec son équipe, il a déjà formé des centaines de personnes.
Qui dit célébration dit aussi quelqu’un qui « préside ». Le monde commercial l’a bien compris. Il y a aujourd’hui des professionnels qui, indépendamment de toute conviction personnelle, vendent leurs services pour organiser une célébration. Mais n’est-on pas alors plus proche de l’animation que de la célébration ? Célébrer, en effet, insiste l’abbé Ringlet, n’est pas animer. « Quand je célèbre, je suis habité par une parole qui me dépasse. Une parole qui vient de plus loin que moi », confie-t-il.
Cette parole peut être biblique, d’une autre tradition religieuse ou philosophique ou relever de l’humanisme laïque. En effet, la célébration n’est pas le monopole des religions, mais une caractéristique de l’être humain. Nous avons tous besoin de rites. Le renard l'a dit au Petit Prince. Le tout est d’en trouver la forme et de ne pas en être esclave. Chez les chrétiens, ces gestes sont encore trop réservés au clergé, mais une tendance se fait jour : de « simples baptisés » se voient confier les funérailles, mais aussi des cérémonies de mariage non sacramentelles.
La fête introduit une rupture dans le cours du temps : il y a des jours en rien semblables aux autres. Un espace s’ouvre pour les relations non fonctionnelles, pour la joie d’être ensemble, pour marquer les étapes décisives d’un groupe ou d’une personne. Célébrer permet aussi de soigner les blessures et donne un souffle d’espérance à ceux qui veulent changer le monde. Cette activité essentielle des humains n’est pas de l’ordre scientifique ; nous sommes dans le registre de l’intériorité, de l’art, de la beauté, en lien avec le corps, le cœur et l’émotion. Il s’agit de fréquenter le mystère de l’existence, qui ne peut être épuisé par la raison.
Quand les rituels se transforment en conventions et obligations, ils cessent d’offrir du sens. Le « prêt-à-porter » mis sur le marché est un danger qui menace les célébrations alors que leur charme réside dans leur préparation et le temps qu’on y consacre en toute gratuité.
Dans Des rites pour la Vie, Gabriel Ringlet travaille à redonner ce souffle que beaucoup de célébrations traditionnelles semblent avoir perdu. La pratique rituelle n’est pas réservée aux prêtres, aux pasteurs, aux rabbins, aux imams et aux autres intervenants humanistes. Bien des hommes et des femmes, croyants ou non, peuvent se sentir appelés à célébrer, estime-t-il. Puissent certains s’en trouver la vocation.
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