Le jubilé n’est pas fini !

Charles Delhez sj —

L’année jubilaire 2025 ayant pour thème Pèlerins d’espérance, qui a débuté le 24 décembre dernier, nous conduira jusqu’au 6 janvier, fête de l’Épiphanie. Un Jubilé ne se réduit pas à des questions d’indulgence, à un pèlerinage à Rome, au franchissement d’une porte sainte, à des conférences. L’origine de cette tradition est biblique. Dans sa Bulle d’indiction, le pape François avait annoncé clairement que cette année devait s’inspirer des pratiques de l’Ancien Testament : au bout de 49 ans, « 7 semaines de 7 années », chaque 50^e année donc, il fallait remettre les dettes, renvoyer libres les captifs, laisser la terre en repos.

L’espérance est d’une urgence criante.  Pensons à la dette des pays pauvres qui ne pourront jamais rembourser, aux migrants, esclaves de nos pays, à la perte de biodiversité, à l’épuisement de la nature. Depuis le 24 juillet de cette année, la planète vit à crédit, car nous avons déjà consommé plus que ce qu’elle peut produire en un an. En 2024, c’était le 1^er août.

« Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays », lit-on dans le Lévitique (25, 10). Le prophète Isaïe reprendra ce thème : « Le Seigneur m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur » (Is 61, 1-2). Ce texte sera cité par Jésus dans la synagogue de Capharnaüm. C’est sa déclaration gouvernementale !

François nous a invités à réclamer des conditions dignes pour les prisonniers, à veiller au respect des droits humains. Il a insisté sur l’abolition de la peine de mort, qui anéantit toute espérance de pardon et de renouveau. Il nous a demandé d’offrir aux détenus un signe concret de proximité. Des Portes saintes ont d’ailleurs été ouvertes dans certaines prisons pour inviter les reclus à regarder l’avenir avec espérance.

Dans la Bulle, François renouvelait son appel pour qu’avec les ressources consacrées aux armes et à d’autres dépenses militaires, un Fonds mondial soit créé en vue d’éradiquer la faim et de permettre le développement des pays les plus pauvres… Mais depuis lors, les choses ont tristement évolué.

Le prédécesseur de Léon nous pressait également à ne pas oublier les malades, à la maison ou à l’hôpital, les personnes âgées qui connaissent la solitude et le sentiment d’abandon, les personnes souffrants d’exclusion et de l’indifférence. Et d’ajouter encore les milliards de pauvres, parfois tout proches de nous. Les biens de la Terre ne sont pas destinés à quelques privilégiés, rappelait-il.

Il a attiré l’attention sur les jeunes qui voient souvent leurs rêves s’effondrer. Je le cite : « L’illusion des drogues, le risque de la transgression et la recherche de l’éphémère créent, plus en eux que chez d’autres, des confusions et cachent la beauté et le sens de la vie. » François pointe aussi les migrants à qui il faut garantir la sécurité ainsi que l’accès au travail et à l’instruction.

Que du concret et de l’actuel, donc ! Voilà qui demande que nous retroussions nos manches pour que le Jubilé ne se réduise pas à une spiritualité individualiste ou à un tourisme de pèlerin.