Éduquer à l’émerveillement (Bruno Humbeeck)
- Michel
- 3 juil.
- 2 min de lecture
Charles Delhez sj —

Parmi les urgences d’aujourd’hui, l’éducation à l’émerveillement. Voilà l’antidote le plus puissant à la violence du monde, à l’atmosphère agressive, croit fermement Bruno Humbeeck. Et les merveilles ne manquent pas. Tant en famille qu’à l’école, il faut y éveiller les enfants. Quant aux adultes, il est aussi urgent qu’ils retrouvent cette part d’enfance à préserver pour être heureux, estime ce psychopédagogue montois, dans son récent Éduquer à l’émerveillement, aux éditions Racine.
La figure si évangélique de l’enfant traverse tout ce livre. « Les enfants naissent avec ce goût du merveilleux qui fonde leur goût de vivre », affirme son auteur. Ils n’ont pas ce regard désenchanté des grandes personnes. L’état d’enfance est un moment magique où tout ce qui apparaît paraît à la fois beau, neuf et étonnant, même le papier qui emballe un cadeau. Plutôt que de stimuler chez eux le sens de la performance, il est indispensable de les sensibiliser à la beauté du monde pour susciter en eux le plaisir d’y vivre.
« Le merveilleux, ce n’est ni le spectaculaire qui épate, ni le grandiose qui écrase, ni le sublime qui flatte », précise Bruno Humbeeck. On admire ce qui nous dépasse, explique-t-il, mais on s’émerveille de ce qui nous englobe. S’émerveiller, ce n’est pas comprendre, ceci est le travail du scientifique. Il s’agit de se laisser emporter par le spectacle que nous donne ce qu’on regarde. On s’émerveille en effet moins de ce que l’on comprend que de ce qui demeure nimbé de mystère.
Notre société de consommation multiplie les évènements de plus en plus spectaculaires, mais qui, finalement, ne suscitent pas l’émerveillement. Cette saturation nous fait courir après les lieux où il faut être et à rechercher des évènements toujours plus pharaoniques. Humberto Eco parlait de la carnavalisation du monde.
La nature est un lieu privilégié d’émerveillement. Elle nous rend modeste sans nous amoindrir. Notre psychopédagogue plaide pour la mise en place de « cours de paysage » pour apprendre aux enfants à regarder, à observer et à retenir ce que le paysage a laissé en soi en le décrivant, en le dessinant, en l’associant à une autre histoire. De nombreuses pages du livre sont consacrées à l’évocation de la mer, du soleil, des étoiles, du ciel, des arbres, des montagnes, des animaux… Autant de motifs de s’émerveiller. « Ce qui rend la lune attachante, peut-on lire, c’est qu’elle n’est pas, contrairement au soleil, absolument indispensable à la vie mais que l’on ne s’imagine pourtant pas, la nuit, se passer d’elle. »
Le merveilleux demande qu’on change notre rapport au temps. Jadis, nous étions soumis au rythme long de la nature. Et puis, un jour, nous nous sommes mis en tête de dominer le temps en fabriquant des pendules, des montres individuelles et en calculant en dixième de seconde. Surprendre un animal libre dans une clairière alors qu’on est à l’affût depuis des heures ne suscite-t-il pas une joie plus profonde que de déambuler rapidement dans un zoo ?
Alors, faudra-t-il abandonner toute vie active pour devenir des contemplatifs ? Que nenni ! Ces deux rapports au monde doivent trouver leur équilibre l'un par l'autre. Et ne l'oublions pas, quand l’émerveillement est partagé avec d’autres, le plaisir n’en est qu’augmenté... Bonnes vacances !
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