La spiritualité ignatienne de François
- Michel
- 24 avr.
- 3 min de lecture

Charles Delhez sj —
Pour le jésuite que je suis, quelle connivence avec ce pape de la même famille religieuse ! Notre vie est en effet structurée par les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, une expérience forte de 30 jours de silence et de prière, accompagnée par un guide. Cette démarche est proposée à toute personne qui s’interroge sur sa vie et conduit le retraitant au cœur de sa liberté afin de choisir la manière dont il suivra le Christ.
Un petit livret, structuré en quatre étapes ou « semaines », est dans les mains de l’accompagnant. Avant de commencer cet itinéraire, une note s’adresse à lui : « Tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition du prochain qu’à la condamner. » Un a priori de sympathie : il y a toujours quelque chose de positif à accueillir chez l’autre. On se souviendra du célèbre « Qui suis-je pour juger ? » de François. Cette attitude l’a accompagné durant son pontificat et lui a causé parfois des problèmes, ainsi quand il a autorisé la bénédiction de couples en situation irrégulière aux yeux de l’Église. Or, il n’approuvait pas l’irrégularité, mais essayait de rejoindre les personnes là où elles en étaient.
Et voici le « Principe et fondement » des Exercices, inscrit au frontispice : Ne pas vouloir, quant à nous, santé plus que maladie, richesse plus que pauvreté, honneur plus que déshonneur, vie longue plus que vie courte, mais choisir uniquement ce qui nous conduit davantage au but : louer, respecter et servir Dieu. N’est-ce pas le portrait de François, homme libre s’il en est ? Ce pape n’a cessé de vouloir avancer vers davantage de transparence, de vérité, de miséricorde, de simplicité, avec audace.
Lors de la première « Semaine », le retraitant est invité à reconnaître le désordre de sa vie, non pas pour culpabiliser, mais pour découvrir la joie d’être déjà pardonné par le Christ en croix et remis sur son chemin. De là vient la devise de François qui s’inspire de la vocation de saint Matthieu : Miserando atque eligendo, en me pardonnant, il m’a choisi. Cette attitude d'humilité transparaît dans son dernier livre, Espère (Albin Michel 2025), où il avoue souvent qu’il est pécheur et reconnaît ses limites, notamment son impatience (qui explique sans doute son autoritarisme).
Au long des Exercices, il y a cette longue fréquentation de ce Jésus qui est au centre de la vie de François. Dans sa dernière encyclique Dilexit nos (2024) sur l’amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ, François a voulu ramener l’Église au plus près de celui qui nous a aimés le premier et nous appelle ses amis.
C’est aussi dans la méthode ignatienne que François a puisé sa fameuse « conversation dans l’Esprit », cette écoute mutuelle en vue d’une décision commune. Là est le secret de tout discernement et le ressort de la synodalité : l’Esprit parle par la bouche de chacun.
Terminons, car il le faut bien, par ce qui couronne les Exercices : la Méditation pour obtenir l’amour. Il s’agit de trouver Dieu en toute chose, notamment dans la nature où il travaille pour nous, et en réponse, s’offrir à lui pour la tâche du Royaume.
Trouver Dieu en toute chose et toute chose en Dieu, tel aura été l’idéal de François, à la suite de ce Jésus qu’il fréquentait chaque jour dans sa prière matinale. Il l’a maintenant trouvé dans le face-à-face éternel. Qu’il repose en paix !
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