top of page

De l’Orient brille une lumière


Charles Delhez sj —

Nous sommes européocentrés. Et forcément, nous n’en avons pas conscience, sinon nous ne le serions pas. Nous voyons l’évolution de l’Église et de la religion avec nos lunettes occidentales sécularisées. Cela fait donc du bien de lire ce témoignage du cardinal sud-coréen Lazare You. « Nous avons tous besoin de cette lumière qui vient de l’Orient », écrit le pape François dans la préface de ce petit livre tonique De l’Orient brille une lumière, aux Éditions Emmanuel.

En Corée du Sud, le christianisme, qui compte plus de 30% des habitants, est aujourd’hui la principale religion. Les chrétiens y sont surtout protestants, mais le catholicisme est en progression rapide. On parle de cent mille conversions par an. Le cardinal raconte la sienne à l’âge de 16 ans, suivie de celle de sa maman.

Étonnante Corée du Sud qui a découvert l’Évangile à la fin du 18e siècle grâce aux ouvrages de Matteo Ricci, cet astronome et mathématicien jésuite d’Italie parvenu à la cour impériale de Chine. Durant une cinquantaine d’années, les chrétiens vécurent sans prêtre, choisissant dans leur communauté quelqu’un pour célébrer. Les premiers prêtres « officiels » arrivèrent seulement en 1835. Entretemps, des laïcs assumèrent la vie communautaire et la transmission de la foi. Incroyable !

L’Évangile a apporté du sang neuf à ce pays, un peu comme il le fit dans l’Empire romain. Le christianisme y a contesté une certaine culture machiste, patriarcale et extrêmement hiérarchique. « Les chrétiens ont beaucoup contribué à développer l’idée d’égalité et de dignité de toutes les personnes », explique le cardinal.

Nous sommes habitués à considérer la religion comme une affaire privée. Or, l’histoire nous l’apprend et la Corée le confirme, elle peut être une force de transformation sociale. Nos pays occidentaux connaissent actuellement une course folle vers l’inconnu. Les progrès technologiques impressionnants se disputent l’avenir avec les multiples crises contemporaines. La vocation actuelle du christianisme ne serait-elle d’être une force de résistance à cette fuite en avant, un retour à l’essentiel ? Dans nos pays occidentaux cependant, ajoute Lazare You, le christianisme a peut-être besoin de trouver de nouvelles manières de lire la réalité et la vie des personnes pour formuler la question de Dieu de façon neuve.

L’ancien recteur de séminaire, maintenant préfet du « Dicastère pour le clergé », responsable donc des prêtres du monde entier, se souvient de ce jour de son ordination, pendant la Litanie des saints, [je cite :] « J’étais prostré, comme le grain de blé qui tombe en terre et qui meurt, j’étais dans la position de mourir avec le Christ pour le bien de mes frères. » Expérience spirituelle forte.

Pour Don Lazare, comme il aime se faire appeler, le fondement principal d’une vie sacerdotale est la vie spirituelle. Aujourd’hui, nos prêtres ne sont-ils pas surbookés, accaparés par les nombreuses paroisses à desservir, au point de ne plus avoir d’espace spirituel pour eux ? « Combien de prêtres s’épuisent physiquement, intérieurement et spirituellement ! », observe notre cardinal sud-coréen. Or, le prêtre n’est pas le centre de la paroisse et de la communauté. On ne peut penser la pastorale qu'ensemble : évêque, prêtres et laïcs. Il insiste : « Le mot-clé est “ensemble”. » Un mot bien synodal !





Comments


bottom of page