Vieillir avec noblesse
- Michel
- il y a 29 minutes
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Charles Delhez sj —

La vieillesse serait-elle le temps du naufrage, selon le mot de Chateaubriand, ou plutôt celui d’un atterrissage tout en équilibre et en douceur ? Cette étape de la vie est aussi à réussir. Dans notre société de rendement, m’écrivait un paroissien, la vieillesse est perdante. Certes. Mais qui nous oblige d’adopter cette logique ? Ne pourrait-on pas la vivre comme la montée d’une colline, quand les arbres se font moins denses et qu’on voit davantage de lumière ?
Christophe Fauré, psychiatre français, invite à se poser quatre questions. Voici les trois premières : que dois-je continuer, que dois-je ajuster, que dois-je arrêter ? Il faudra en effet laisser les choses nous quitter petit à petit — ou nous alléger, si on le prend positivement.
Mais il y a une quatrième question : que dois-je initier ? En attendant le grand départ, ne soyons pas de ceux qui s’enterrent longtemps avant d’être dans leur cercueil ! Il y a de nouvelles portes à ouvrir : universités pour les aînés, groupes de rencontre… Combien des manières n’y-a-t-il pas d’être utile ? Vivons comme si nous avions encore toute notre vie devant nous ! Arrosons nos plantes chaque jour ! Inutile de ressasser nos échecs ou de nous consoler en nous rappelant les temps de gloire, il suffit simplement d’exister maintenant, en vérité, présent au présent.
Quand l’âge avance, nous commençons à prendre conscience que la majeure partie de notre existence est passée, que nous approchons du terme. Nous avons désiré répondre aux attentes du monde, nous avons trouvé place parmi nos semblables, mais peut-être sans être attentifs à notre moi profond. Nous comprenons tout à coup que nous n’emporterons, lors du grand départ, ni la richesse, ni les honneurs, ni le pouvoir. Voici l’heure de renoncer à nos rêves de toute-puissance et d’habiter notre intériorité.
Ce que nous avons fait laissera peut-être des traces, seul connaîtra l’éternité cependant ce que nous sommes devenus grâce notamment aux relations que nous avons tissées, même si la vie a fini par nous éloigner de certaines personnes. Le troisième âge, c’est le moment de nous réjouir de celles qui ont résisté au flot des ans et des malentendus, de les cultiver dans la gratuité. Le défi est de rester un cadeau pour les autres. C’est la tâche de toute la vie, mais elle prend une autre teinte au tournant de l’âge. « Il faudrait que les personnes âgées prennent conscience que c’est leur mission d’aimer, insistait sœur Emmanuelle. Quel que soit l’état dans lequel on vieillit, on peut regarder, sourire, tendre la main, bénir. »
Écoutons cette demande d’une personne rapportée par le pape François dans son livre autobiographique Espère : « Laisse-moi toutes mes rides, ne m’en enlève pas une seule, j’ai mis toute une vie pour les avoir. » Et si, dans ces rides, se cachaient la sagesse et la bienveillance qui font notre richesse au terme de la vie ? « Renoncez donc avec grâce à votre jeunesse », était-il affiché dans l’église de Baltimore.
Moïse n’a pas vu la Terre promise. Nous ne connaîtrons pas non plus l’avenir dont nous avons rêvé et pour lequel nous sommes battus, mais nous y aurons modestement contribué. Laissons à ceux qui nous suivent de prendre le relais sans leur en vouloir d’être plus jeunes que nous. Telle est notre espérance : il existe un pays où coule le lait et le miel.

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