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Une étape historique


Charles Delhez sj —

Certains seront peut-être déçus : les « progressistes » attendaient des décisions percutantes au terme des deux sessions du Synode des évêques sur la synodalité, clôturé ce 27 octobre[1]. Parmi les plus souvent citées : l’ordination d‘hommes mariés et l’ouverture du diaconat aux femmes. Dans le Document final, je découvre tout autre chose : un changement profond de mentalité. Le mot « synodalité » — bien loin du cléricalisme — prend la place de celui d’autorité qui demande l’obéissance aveugle. Il s’agit de marcher ensemble et d’exercer la responsabilité à tous les niveaux. Ce n’est pas moins que la culture d’entreprise qui est occupée à changer. Une révolution.

Dès la première session, des hommes et des femmes avaient été conviés à siéger à la même table que les évêques. Au lieu de conférenciers se succédant à la tribune, on pouvait voir des tables rondes où l’on pratiquait la « conversation dans l’Esprit ». Ce qui est désormais premier, ce n’est donc plus la différence entre la hiérarchie et le peuple, mais l’égalité fondée sur le baptême commun à tous les chrétiens. Le pape lui-même était presque un participant comme les autres. La synodalité est désormais une « dimension constitutive de l’Église », affirme le Document final (38).

Depuis des siècles, La structuration de l’Église était binaire ; il y avait les clercs et les laïcs[2]. L’époque semble révolue. Pour la première fois dans l’histoire de l’Église, des chrétiens participaient en vertu de leur baptême et non pas de leur ordination, à ce genre d’assemblée réservée jadis aux évêques, et ce à part entière et égale, avec droit de vote. Une « avancée irréversible » (Marie-Jo Thiel).

On parle maintenant de « coresponsabilité différenciée ». Les responsabilités ne sont certes pas les mêmes, mais tous sont responsables. Chacun est invité à donner son avis avant de trouver le consensus et non de parvenir à une majorité l’emportant sur la minorité. On s’écoute et on écoute ensemble l’Évangile, on échange, on discerne, puis on prend la décision. Viendra alors le moment de la mise en application et puis de l’évaluation. C’est la fin de la monarchie absolue. Une culture du rendre-compte et de l’évaluation participative régulière, y compris des évêques (108), se met en place.

Autre nouveauté. Après un Synode, le pape publiait une « exhortation post-synodale » dans lequel il tirait lui-même les conclusions. Cette fois, il a tout simplement validé le Document final, sans rien y ajouter ni en retrancher. Il fait sien ce texte approuvé par l’assemblée. Cette « décentralisation salutaire » (134), selon les mots du Document, est manifeste jusqu’au plus haut niveau. Ainsi, les évêques ne sont plus soumis à la Curie romaine, mais c’est celle-ci qui est à leur service. C’est un affaiblissement de l’autorité du Saint-Siège au profit des Églises locales. Ne serait-ce pas le testament de François ?

L’institution a toujours fait problème, elle est un « mal nécessaire », a pu dire un théologien protestant (Heinz Zahrnt). Mais ne l’oublions pas, la porte d’entrée dans l’Église, pour chacun de nous, n’est pas la coupole du Vatican, mais cette communauté à laquelle nous appartenons et que nous faisons vivre, chacun à notre façon. C’est là que nous sommes invités à vivre la synodalité. L’Église renaît toujours de la base.



[1] XVIe assemblée générale ordinaire du synode des Évêques, annoncée le 7 mars 2020 et « célébrée » en deux sessions, du 4 au 29 octobre 2023 et du 2 au 27 octobre 2024. Pointons aussi la participation des délégués fraternels d’autres Églises  et communautés ecclésiales (les protestants, les orthodoxes…)

[2] 368 participantes et participants, soit 272 évêques et 96 non évêques. Ces derniers se répartissent comme suit : 53 femmes, dont 25 religieuses et 28 laïques; 43 hommes, dont 30 prêtres ou religieux et 13 laïcs. Nathalie Becquart, sous-secrétaire, fut la première à avoir droit de vote (6 février 22).



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