À l’amour que vous aurez les uns pour les autres…
- Michel
- 15 mai
- 2 min de lecture

Charles Delhez sj —
Voici un livre au ton trop souvent méprisant, et même agressif, mais tempéré par quelques accents d’humilité et de sincérité. Avec vivacité, le philosophe Emmanuel Tourpe, également homme de médias, nous ramène à l’essentiel, au commandement nouveau de Jésus donné au soir du Jeudi saint : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34). Ce livre paru chez Artège a pour titre : À l’amour que vous aurez les uns pour les autres… suivi de trois petits points.
L’unité ecclésiale sera toujours fragile. Et pas seulement au sommet. Il suffit, fait remarquer notre auteur, de parcourir les réseaux sociaux quand ils abordent les questions religieuses : que de noms d’oiseaux, de méchancetés, d’injures venant bien sûr de chrétiens qui accusent les autres de ne pas l’être! « Que tous soient un afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21), priait Jésus juste avant de partir au jardin des Oliviers.
Notre histoire ne manque pas de guerres entre peuples chrétiens ou de schismes à l’intérieur de l’Église, et parfois simplement pour des idées : « N’enchaînons pas nos cœurs à nos idées ! », disait Lacordaire. Or, trop souvent nous faisons passer la vérité, fût-elle théologique, avant l’amour. Il faudrait faire l’inverse. Aimer son prochain est plus important que de défendre la « vraie foi », insiste notre auteur.
En ce temps de conclave et d’élection pontificale, les journalistes se plaisent à épingler les tensions au sein de l’Église, utilisant le sempiternel vocabulaire de « conservateurs » et « progressistes ». À François, qui a su apporter un changement de ton et une nouvelle manière de gouverner, on reproche son caractère autoritaire. Le fut-il plus que Jean-Paul II et Benoît XVI ? Ce n’est pas si sûr. Toujours est-il qu’il fut clivant. On voulait des changements, il fallait donc de l’audace et de la fermeté ! Cela n’a pas fait que des heureux. Puisse son successeur recoller les morceaux.
Revenons au livre. Emmanuel Tourpe distingue les trois cercles de l’amour : celui entre chrétiens – c’est bien à ses disciples que Jésus s’adresse ce soir-là –, celui pour les ennemis – en fait, une extension de l’amour fraternel – et celui pour ceux qui sont au loin – être le prochain de quiconque a besoin de nous ! Et n’opposons pas l’amour de soi et l’amour du prochain : ils sont réciproques, parallèles : autant que toi-même et pas après toi-même.
Trop facilement nous avons de l’amour une vision sacrificielle et solitaire, mais c’est un héritage païen, estime notre philosophe. L’amour s’épanouit parfaitement lorsqu’il est réciproque. Se donner, certes, mais pas sans réciprocité, à l’image de l’amour mutuel qui rythme le cœur du Dieu trinitaire. Le don sans retour du don, ce n’est pas la vie de Dieu ni la vocation du chrétien, rappelle-t-il. C’est à l’amour que nous nous portons les uns aux autres que l’on reconnaît que nous sommes chrétiens. Selon St Thomas d’Aquin, la charité est une « amitié » avant d’être sacrifice, don de soi ou compassion pour les pauvres.
L’amour mutuel des chrétiens est le centre du message évangélique, insiste Emmanuel Tourpe. Mais cet amour est une vertu, c’est-à-dire un effort de la volonté, touchée par la grâce. « Nous commençons à peine à être chrétiens… » sont les derniers mots de ce livre interpelant.
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