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Un christianisme non religieux ?


Charles Delhez sj —

Relire un livre fait parfois redécouvrir son actualité. Ainsi Le Père immense[1], paru voici vingt ans. Eloi Leclerc, l’auteur de l’incontournable Sagesse d’un pauvre, y commente la lettre de Paul aux Éphésiens. Au passage, il évoque la sécularisation de notre société et du christianisme : « On présente volontiers l’Évangile comme le chemin de l’homme, mais en retenant seulement les valeurs éthiques, considérées comme des valeurs humaines universelles. » Et d’énumérer les classiques : solidarité, fraternité, respect de la personne… Le christianisme serait-il un simple humanisme philosophique parmi d’autres ?

Effectivement, ces valeurs chrétiennes sont universelles et peuvent être justifiées rationnellement. Il y a par exemple beaucoup de similitudes avec l’éthique stoïcienne de l’époque, morale noble s’il en est, mais non religieuse. Une présentation uniquement humaniste des valeurs évangéliques, estime notre franciscain, ouvre la voie à une sécularisation rampante de la foi chrétienne elle-même. Elle tend alors, je le cite, « à s’identifier à une simple foi rationnelle dans l’homme ». De plus en plus apparaît en effet un christianisme non religieux.

Certes, le christianisme a apporté bien des valeurs qui nourrissent encore notre société. Pourtant, cette dernière ne se porte pas si bien. Nous sommes tous prisonniers de cette matrice sociétale matérialiste et individualiste soutenue par le capitalisme ultralibéral dominant… Prisonniers et en même temps complices : «  Tu n’es pas dans l’embouteillage, tu es l’embouteillage », dit un adage.

Notre civilisation toute-puissante semble avoir plus de facilité à mettre le pied sur une autre planète que de vivre fraternellement avec tous ses semblables, dans le respect des plus faibles et des minorités. L’humanité peut-elle, par sa seule foi en l’homme, surmonter durablement ses conflits et bâtir une société fraternelle au sein d’une nature respectée ?

Pour aller jusqu’au bout de lui-même, en effet, l’humanisme a besoin de trouver sa source en plus que lui-même, d’être emporté toujours plus loin par un souffle que les chrétiens appellent Esprit Saint. « Seule la puissance de l’Amour qui nous a créés peut nous faire naître à notre humanité plénière », professe Éloi Leclerc. Et le philosophe Ricœur : « Abstraitement séparées de l’expérience qui les fonde, les valeurs sont comme des fleurs coupées dans un vase. » Elles se fanent en effet plus vite qu’en terre. Notre espérance chrétienne serait-elle devenue un simple humanisme, une foi en l’homme, sans plus, un homme orphelin ?

Les valeurs chrétiennes sont des fruits collatéraux de la foi. Sans cette foi en un Dieu qui nous aime et sans l’horizon d’un au-delà, elles risquent bien de se retourner contre nous. « Notre monde est plein d’idées chrétiennes devenues folles », disait Chesterton. Ainsi la liberté. Coupée de sa source, ne risque-t-elle pas de devenir pure licence ? L’égalité se réduirait-elle à un simple nivellement ?

Le christianisme n’est pas d’abord une morale, ni l’Évangile un code de bonne conduite, mais l’aventure d’hommes et de femmes qui mettent leur foi en Dieu (Agnès Auschitzka). Qu’est-ce que cela change à la vie ? À chacun de voir. Celui qui croque dans une pomme en connaît le goût, mais il lui sera difficile d’en convaincre les autres. À chacun de croquer dans la pomme de la foi, et il verra !



[1] Leclerc Éloi, Le père Immense. Une lecture de la Lettre aux Éphésiens, DDB, 2006.

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