Charles Delhez sj
Les Jeux Olympiques ont pour vocation de rassembler toute l’humanité autour des valeurs de fraternité. Ils font naître un rêve de paix et de concorde. Hélas, la trêve olympique espérée n’a pas eu lieu au niveau géopolitique, tant s’en faut. Mais au niveau symbolique, guère plus. On ne peut que constater que le tableau intitulé Festivités a été une pomme de discorde manifestant, à sa façon, la fracture culturelle qui déchire nos sociétés. Les réactions dans le monde entier ont en effet été parfois démesurées, souvent il est vrai plus à droite qu’à gauche.
D’aucuns se sont sentis blessés car, dans la culture commune, la scène en évoquait, en ligne directe ou non, une autre : la dernière Cène de Jésus. Pour les gens accusés de n’avoir aucune culture et d’être des culs-bénits (sic), la ressemblance avec l’œuvre de Léonard de Vinci, dont on trouve une reproduction dans bien des familles chrétiennes traditionnelles, ne pouvait en effet que sauter aux yeux. Évitons cependant le mot de blasphème. C’est plutôt un pas de clerc, expression signifiant : maladresse, erreur, démarche imprudente commise par ignorance.
Peut-être peut-on voir dans le tableau Le Festin des dieux de Jan van Bijlert (1597-1671), la source d’inspiration de Thomas Jolly, mais cette œuvre est elle-même inspirée de La dernière Cène de Léonard de Vinci (1452-1519). L’œuvre du grand peintre italien a en effet été souvent copiée, parodiée, reprise dans l’art et même dans la publicité ou la littérature, ainsi Da Vinci code.
Si on peut reprocher aux uns de ne pas avoir assez de culture pour faire le lien avec ce tableau du musée de Dijon – et je me situe parmi eux –, on peut regretter que les autres aient méconnu la sensibilité populaire. Veiller à ne blesser personne doit être le souci majeur de tous spectacles, surtout ceux destinés à un si grand public. Manifestement, le concepteur n’a pas anticipé. Or, en communication, il faut toujours être vigilant quant aux différentes lectures possibles d’un message. Notre monde occidental a trop vite le réflexe de croire que ses codes sont ceux du monde entier.
De nombreuses personnes, parmi les chrétiens notamment, ont cependant tenu à défendre cette scène en y voyant un message d’inclusion, de respect des différences, d’accueil de tous, quelle que soit notamment leur identité sexuelle. C’est bien là un message évangélique. Le pape François va dans le même sens. Ce n’était pas une dérision du christianisme, mais l’inconscient collectif a fonctionné. Quand on touche au sacré, même sans le savoir ou le vouloir, les réactions peuvent être passionnelles. L’intention était louable, le but n’a pas été atteint. Hélas.
L’artiste mérite notre respect, mais aussi ceux qui ont été blessés. Tout le monde n’a pas les mêmes référentiels culturels. Deux sensibilités religieuses se sont affrontées, celles qui divisent notre monde entre ceux que l’on appelle les conservateurs et les progressistes. Elle se retrouve à l’intérieur de toutes les religions. Tel est le défi en cette période de sécularisation : garder l’équilibre entre l’identité et l’ouverture.
Il est bien dommage que le spectacle, qui se voulait un message de paix et de concorde, n’ait pas pleinement atteint son but. J’en suis bien triste. Il ne faudrait cependant pas oublier, par-delà toutes ses ambiguïtés, le positif que cet événement mondial des J.O. nous a donné à voir.
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