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Racontars ou basculement ?


Charles Delhez sj –



Un tombeau vide, des femmes et des hommes qui, comme des illuminés, parlent d’apparitions. Un événement "hors norme", me disait un paroissien. On pourrait même dire : énorme. Il dépasse notre entendement. Nous serions tentés de ne pas y apporter crédit. Mais si cela est vrai, il est heureux que cela excède nos facultés intellectuelles. En effet, si cela ne débordait pas le compréhensible, si c’était à la portée de notre intelligence raisonnante, si nous pouvions faire le tour de cet événement, il ne serait qu’un fait divers de plus, hors norme peut-être, mais à taille humaine… Si, par contre, il nous dépasse, alors il nous rejoint au plus profond de ce qui fait notre identité. N'y a-t-il pas en nous une soif d’infini, une aspiration à des horizons toujours plus vastes. "L’homme passe infiniment l'homme", disait Blaise Pascal. Et Éric-Emmanuel Schmitt: "La foi, c'est accepter d'être dépassé." Si la résurrection était compréhensible, elle serait décevante.


Le tombeau ouvert marque une rupture, un basculement. Il y a un avant et un après. Ce vide n'est cependant pas une preuve, puisque invérifiable aujourd’hui. Les expériences scientifiques peuvent être renouvelées. Le tombeau vide, ce fut une fois. On dit qu’on n’a pas retrouvé son cadavre, mais cela ne fait pas une preuve, ni de la vérité de la résurrection ni de sa négation. L’absence de preuve n’est pas une preuve de l’absence, dit-on, mais pas non plus une preuve de la présence.

Saint Matthieu a d'ailleurs l’honnêteté de le dire : deux versions sont possibles. Soit ce sont les disciples qui disent vrai, soit les soldats. Les premiers diront que les seconds ont été payés ; les seconds, que les premiers ont dérobé le corps. La liberté nous est donc, aujourd’hui encore, laissée. Habitués que nous sommes aux fake news, et aux théories du complot, nous aurons sans doute peine à accorder notre foi à ce qui nous semble de la mythologie, de l’imagination, du mythe. Mais déjà, à l’époque, les racontars de femmes ne faisaient pas le poids face à ceux de soldats.

Qu’est-ce qui donc me convainc ? Tout simplement, dans un premier temps, le fait que cette bonne nouvelle, d'abord discrète, soit parvenue jusqu’à moi malgré les aléas de l'histoire. Les quatre évangiles, les Actes des Apôtres, et les lettres de ceux-ci pointent vers un même événement. Pâques est ce souffle venu d’un tombeau vide, murmuré au fil des siècles, qui arrive à nos oreilles aujourd'hui encore. C'était improbable.

Certes, les différences entre les récits sont nombreuses. Mais voilà qui est convaincant. Les fake news sont bien mieux organisées ! Ces textes ont assez en commun et assez de différences pour me convaincre qu’il ne s’agit pas d’une leçon apprise par cœur, d’une conspiration, d’un complot, mais d’une expérience indicible qu'on tente d’exprimer sous forme de récits symboliques. N'en va-t-il pas de même de nos expériences les plus fortes? Les mots ne parviennent pas à les traduire et notre manière de les raconter peut évoluer et varier d'une personne à l'autre, mais on ne peut nier que, ce jour-là, dans notre vie, un changement majeur s'est produit. Il en fut de même pour les disciples.

Et si nous passions du "oui mais" au "et si"? Et si cela était vrai? Notre aventure humaine est écartelée entre le néant et la plénitude, l’absurde et le mystère. J'ai fait mon choix. Et cela change ma manière de vivre.




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