Charles Delhez sj –
Qu’est-ce qui nous distingue de l’animal et de la machine ? Quelle est la caractéristique de l’humaine condition ? La spiritualité. Elle est cette dimension intérieure où chacun décide du sens qu’il donne à sa vie ainsi que des engagements qu’il prend en fonction des valeurs qu’il entend respecter. À propos de son dernier livre, L’Odyssée du sacré, Frédéric Lenoir observe, je cite, « qu’on peut à la fois être spirituel et religieux, spirituel et non religieux, religieux et pas spirituel du tout. » Hélas, en effet, certains tuent au nom de leur religion !
La spiritualité fut longtemps religieuse, et même chrétienne. Pour beaucoup, aujourd’hui, elle est devenue non religieuse, tout simplement humaniste. Elle est devenue indépendante et va puiser un peu partout ce qui peut la nourrir. La spiritualité contemporaine est fortement marquée par le contact avec les spiritualités orientales. La dimension thérapeutique y est aussi très présente. Convoquée au service de l’oxygénation de la vie privée, elle est devenue quasiment synonyme de « développement personnel ».
Quand elle demeure religieuse, elle s’ouvre sur plus grand que soi, sur l’innommable : l’Infini de l’Amour, de la Vérité et de la Beauté. Les religions et les philosophies, l’homme de la rue aussi, donnent le nom de Dieu à cette transcendance ultime (personnelle dans certaines religions). Les religions semblent avoir compris que, pour se sauver, elles devaient se « spiritualiser », insister sur la dimension d’intériorité personnelle plutôt que sur les rites et les dogmes.
Croyants et non-croyants – pour reprendre une distinction classique – sont donc voués à cultiver la dimension d’intériorité. La religion se situerait à l’horizontale, créant des liens, et la spiritualité à la verticale — soit intime, soit transcendante —, correspondant au besoin de sens. Toutes les spiritualités ont en commun l’ouverture à soi et à autrui, l’ouverture au « plus intime que soi ». Ce sont les questions ultimes du sens, face à l’origine, au mal (que je subis et que je commets), à la mort, à la transcendance divine, qui font la différence entre elles.
Il ne faudrait pas que le spirituel, quel qu’il soit, devienne un refuge face à un monde jug négativement. Ce ne serait plus un opium du peuple, mais l’opium des bourgeois en mal de sens. Elle serait reprise par la dynamique consumériste de notre culture. On assiste en effet aujourd’hui à une réelle marchandisation du spirituel. Or celui-ci se doit d’être source d’engagement au service d’un monde en pleine mutation.
La sixième édition de RivEspérance, qui aura lieu ces 2 et 3 février au Palais des Congrès de Liège, a précisément pour thème Quelles spiritualités pour demain ? Entendez bien le s à la fin de chaque mot. Cette lettre est importante. Il s’agit de mettre les différentes spiritualités en dialogue, car on souffle plus fort ensemble ! Or, sans souffle intérieur, pas de monde nouveau. Inscrivez-vous vite, il reste encore des places. Vous saurez tout sur le site www.rivesperance.be, RivEspérance en un mot.
Concluons en empruntant au caricaturiste australien Leunig l’image de l’arbre : Les racines sont à la mesure des branches : la vie intérieure doit grandir à l’égal de la vie extérieure.
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