Charles Delhez sj –
En Europe, beaucoup ont accueilli avec joie la déclaration Fiducia supplicans (« La confiance suppliante du peuple fidèle de Dieu », selon ses premiers mots) sur la bénédiction des couples en situation irrégulière, notamment les couples homosexuels, mais pas seulement. Il s’agit d’une bénédiction brève, « spontanée et pastorale » et non d’une cérémonie liturgique, d’un signe de la bonté miséricordieuse de Dieu et non d’une approbation ni d’une absolution.
D’aucuns ont cependant crié à l’hérésie. Selon ces derniers, l’Eglise a cédé, elle. s’est moulée sur l’évolution des sociétés occidentales. Pourtant, ce document ne revient pas sur la doctrine classique : le mariage est le fait de deux personnes de sexes différents qui s’engagent de manière exclusive, stable et définitive et désirent donner la vie.
En Afrique, de nombreux évêques se sont distancés. Chez eux, l’homosexualité est encore parfois durement réprimée par la loi. On peut comprendre qu’ils soient prudents, ne désirant pas entrer en conflit avec la culture de leur pays. En Asie, par contre, des évêques ont estimé qu’il n’y avait rien de vraiment neuf, car les bénédictions font déjà partie de leur spiritualité. Jésus n’a refusé aucune bénédiction, rappellent-ils. Ils précisent : « Nous ne bénissons pas les unions entre personnes de même sexe ni les situations irrégulières, nous ne bénissons pas les péchés de la personne, mais la personne qui est toujours aimée de Dieu. »
Au départ du chemin de Compostelle, une bénédiction n’est-elle pas donnée au pèlerin sans lui demander s’il est en situation régulière ? Jésus ne condamne pas la femme adultère, mais il l’invite à aller, sans plus pécher désormais. N’est-ce pas en quelque sorte une bénédiction ? Non pour ce qu’elle a fait, mais pour la pécheresse qu’elle est. Elle a plus que d’autres besoin de l’aide de Dieu.
Juger n’est pas condamner. Juger, c’est faire le tri afin de choisir, c’est mettre de l’ordre dans une situation, ce qui ne se fait pas en un clin d’œil. Condamner c’est, en cours de route, mettre un point final négatif. On ne peut condamner une personne. Certes, selon la tradition chrétienne, vivre en couple de même sexe ou de seconde union (les « divorcés-remariés ») ne correspond pas au dessein de Dieu, mais ces personnes sont aimées de lui. François est toujours davantage pastoral, soucieux des personnes. C’est la beauté de ce pontificat.
Que ce texte ait heurté le continent africain, notamment, nous rappelle que le christianisme est vécu dans les cultures bien différentes et qu’il faut respecter chacune. Si l’Église veut préserver son unité, elle doit pouvoir l’accepter. On peut donc souhaiter que l’un des pas en avant que fera le synode dans sa session du mois d’octobre prochain, c’est de laisser plus d’autonomie à chacune des conférences épiscopales. C’est la leçon de cette diatribe. Le Vatican a d’ailleurs, à la suite des réactions négatives, concédé aux évêques la responsabilité d’exécuter ou de reporter ces consignes, selon le « contexte » de leur diocèse.
Je me réjouis donc de ce doucement qui n’est ni un diktat ni une approbation des situations irrégulières, mais un idéal d’accueil. Cette bénédiction répond à la demande de ceux qui cherchent un signe que Dieu les aime et les accompagne même sur leur chemin parfois tortueux.
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