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Où en est le baptême ?


Charles Delhez sj —

Une nouvelle année liturgique commence. Après Noël et l’Épiphanie, voici le temps ordinaire. Il s’inaugure par le dimanche du baptême de Jésus. Occasion de réfléchir à l’évolution de ce sacrement qui a changé de statut.

Lors des premiers siècles, il était une démarche d’adultes. Il s’agissait de choisir de renaître dans l’Esprit (Jn 3, 5). Jésus avait apporté une véritable nouveauté, il invitait à un changement radical de société. Le futur baptisé renonçait à la logique du monde pour celle de l’Évangile. Mais cette révolution n’est plus perçue aujourd’hui, on s’est habitué au message, on l’a banalisé.

Vint ensuite le temps de la chrétienté. La foi évangélique formatait la société entière. Les parents étaient tous baptisés


Pourquoi leurs enfants auraient-ils été tenus à l’écart de leur communauté, c’est-à-dire de l’Église ? On se mit à baptiser les enfants, et sans tarder, car c’était nécessaire pour aller au ciel ! Pour ceux qui mouraient sans être baptisés, l’enfer aurait été incompréhensible. Alors, on parla des Limbes, hypothèse supprimée par Benoît XVI. L’idée véhiculait une conception trop étroite du salut apporté par le Christ et reposait sur une certaine conception du péché originel. Mais Dieu n'est pas prisonnier des sacrements ni de notre théologie.

La société est maintenant déchristianisée, le baptême se fait rare. Des 99 % d’enfants baptisés, on est passé à 3 sur 10. La compréhension de ce rite fait souvent défaut. Il est aujourd’hui devenu une proposition à l’enfant au nom de l’ouverture : peut-on lui fermer cette possibilité ? Mais ce n’est qu’une possibilité ; il choisira plus tard. Il n’y a donc plus de véritable engagement. Il s’agit davantage d’une fête de famille pour accueillir l’enfant, et comme il reste un petit peu de foi, fût-ce du côté des grands-parents, on y ajoute le baptême. Mais combien de temps cela durera-il ?

Dans les justifications de la démarche, on en appelle souvent aux valeurs dites chrétiennes qui sont en fait des valeurs humanistes. La relation à Dieu, quant à elle, est oubliée. La dimension communautaire aussi ; il reste juste le prêtre pour la représenter. Le lien avec le Christ est inexistant. Il y a quelque chose de plus grand que nous, qui peut nous protéger, dit-on, mais on hésite à le nommer. Et la véritable signification du baptême comme plongée dans l’aventure du Christ a disparu. On ne parle plus de se situer dans sa mouvance, de lui être uni dans sa mort et sa résurrection.

Baptiser les enfants dès les premiers jours a eu tout son sens à une époque où l’être humain se définissait d’abord par son appartenance familiale. Il en a encore aujourd’hui. La modernité nous a cependant appris à respecter le sujet individuel et son cheminement personnel. Le baptême des adultes ne serait-elle pas dès lors la forme la plus signifiante de ce sacrement ? « Qu’ils deviennent chrétiens quand ils seront capables de connaître le Christ[1] », disait Tertullien au IIe siècle (De Baptismo 18, 1-3).

« Nous sommes assurément à la fin d’un temps : celui du conformisme et, plus globalement, de la religion héritée de la famille », a pu écrire l’historien Jean Delumeau en 1999. « Mais peut-être entrons-nous dans le christianisme du baptême des adultes[2]. » Puisse ce constat refléter de plus en plus la réalité.



[1] Tertullien, De Baptismo, 18, 1-3.

[2] Jean Delumeau , Entretiens sur la fin des temps, Fayard, 1999.

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