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Les questions derrière le fiasco

Charles Delhez sj —


Tout s’est ligué pour qu’on ne retienne du voyage pontifical que les ratés. Quelle tristesse pour ceux qui se sont tués à la tâche de préparation. C’était d’ailleurs mal parti : l’UCL et l’Église de Belgique ont été mises face à l’invitation de Jan Janbon et de la KUL. Elles ne pouvaient que s’y associer, sans être vraiment en demande. Mauvais décollage.

Le dialogue avec les étudiants n’a pas vraiment eu lieu à Louvain-la-Neuve. La réponse de François — qui pourtant opère une révolution lente mais réelle à propos de la place de la femme dans la structure ecclésiale et se bat contre toute forme d’abus — n’était pas adaptée. L’excès verbal dans l’avion à propos de l’avortement et la promotion de la béatification du roi Baudouin étaient malheureux. La surmédiatisation et la pensée unique ont fait le reste.


En prenant un peu de distance, relevons cependant les questions qui se cachent derrière ce fiasco.

Et tout d’abord, pourquoi, aujourd’hui, évoquer la fécondité de la femme suscite un tel émoi ? Le pape ne la réduisait pas à sa maternité — qu’on relise le texte —, mais en soulignait la beauté, ce qui la rend d’une certaine façon supérieure à l’homme. L’homme et la femme sont procréateurs, mais elle seule porte l’enfant en elle.

Aujourd’hui, la femme ne se définit plus par sa fécondité, mais par rapport à l’homme qu’elle veut égaler. On peut comprendre, car trop longtemps elle a été soumise par lui. Depuis saint Paul, pourtant, le message chrétien souligne son égalité avec l’homme. Mais ce n’est pas passé dans les mœurs. Notre société occidentale est bel et bien restée longtemps patriarcale, et l’est encore.

Ce combat féministe nous empêche d’entendre une autre question : quel avenir voulons-nous pour notre société, sommes-nous encore prêts à mettre des enfants au monde ? Les derniers chiffres de la natalité dans notre pays sont au plus bas (cfr LLB 18 octobre). Notre société ne se renouvelle plus et connaît un « hiver démographique », selon l’expression du pape.

Quant à l’avortement, désormais considéré comme un droit, la question éthique ne peut plus être posée. Pourtant, la vie commence bel et bien lors de la rencontre des gamètes, elle est humaine dès son début. « Il est déjà humain celui qui le deviendra », il ne peut devenir autre chose. L’embryon est l’architecte de lui-même, il se développe sans intervention extérieure sinon d’être porté et nourri. Notre société habituée à des euphémismes — on parle d’IVG, trois lettres innocentes — en oublie la cruelle vérité : il s’agit d’un processus de mort et non de vie.

Nous sommes sur la pente glissante de la banalisation de l’avortement et de l’eugénisme. La comparaison du pape était inutilement blessante et demande des excuses. — Viendront-elles ? Je ne sais. — Il y a cependant bien des situations différentes et c’est à la conscience que revient le dernier mot. Il n’empêche, il y a des questions que l’on ne veut plus entendre. Leurs réponses pourtant sont encore loin de faire l’unanimité.

Bien des sujets abordés par le pape remettaient en question d’autres évidences. Elles n’ont pas été entendues parce que l’on s’est focalisé sur ces deux ratés. François a en effet évoqué les grands dossiers d’aujourd’hui : les abus – là aussi, il a eu un langage fort  –, l’écologie, les migrants, le statut de la connaissance, le rôle de l’université. Les questions audacieuses et dérangeantes ne manquaient pas. On ne peut qu’inviter à les entendre aussi et à y réfléchir. Il y a également urgence.


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