Les oubliés de Dieu
Charles Delhez sj –
Les oubliés de Dieu, une émission de la RTBF sur les abus sexuels dans l’Église catholique de Belgique, a donné une occasion de plus, pour certains, de s’éloigner de l’Église. Pour les fidèles, c’est un choc. Cette accumulation de témoignages lourds, de faits monstrueux et de leurs conséquences, est dure à entendre, pour ceux qui aiment l’Eglise, sans abandonner pour autant leur esprit critique. Il faut la visionner, et c’est encore possible sur Auvio. Les faits sont connus. L’émotion renforce l’information.
Ces crimes sont intolérables. Il y a des cadavres qu’on ne ressuscite pas. Que les victimes puissent enfin témoigner sans être accusées de mensonge est un bien. Il s’agit d’une minorité de criminels, ne l’oublions pas, mais aussi d’un nombre trop grand de victimes. Un véritable holocauste. Jésus nous a appris à nous occuper de la brebis perdue, fût-elle la seule. Or, ils sont nombreux ceux à qui on a volé l’enfance, qui en ont perdu le goût de vivre.
Sans doute le pardon est-il essentiel, mais il ne répare pas les dégâts. Était-il prévu que la dernière prise de parole fût, de la part d’une victime : « Seul Dieu peut guérir » ? Cet acte de foi peut nourrir l’espérance des victimes, de ceux qui les écoutent, de toutes personnes de bonne volonté qui mesurent ce qui reste à faire et font de leur mieux pour que plus jamais cela n’arrive.
Hélas, l’humain reste l’humain. Combien de fois n’a-t-on pas dit « plus jamais de guerre », et il y en a encore. « Ce qui me tient en vie, c’est la bonté dont l’homme est capable », disait l’Abbé Pierre. Que ceux qui croient en l’homme, malgré tout le mal dont il est capable, continuent à lutter pour limiter au maximum ces crimes.
Dire que l'Église n'a rien fait n’est pas correct. Dès 1997, dans la foulée de l’affaire Dutroux, elle a mis des points d’accueil en place. Elle est allée, suite à la première commission parlementaire, au-delà de ses devoirs juridiques, ne tenant pas compte des prescriptions. La souffrance, en effet, n’a pas de date limite.
L’Église n’est pas la seule concernée. Il n’y a pas que des secrets d’Église, il y a des secrets de famille et d’autres encore. Ce n’est certes pas une excuse. Il est cependant urgent d’élargir la prise de conscience. Tous les milieux sont touchés, rappelait le débat animé par Sacha Daout : le sport, l’art et la culture, les mouvements de jeunesse, l’enseignement et surtout la famille…
Et il n’y a pas que la pédophilie, mais encore toute forme de violence sexuelle. Soulignons cependant l’évolution sociétale de ces dernières années. Il fut une époque où la loi du silence régnait, les institutions passant avant les personnes. Elle n’a pas encore pris fin : les témoignages l’ont bien montré, et les rencontres personnelles que chacun peut faire le confirment. Mais on avance.
Puissent les drames évoqués dans cette émission contribuer à une prise de conscience de notre société tout entière. Il faut faire le ménage tous azimuts, nous interroger sur ce qui rend possible et même favorise ce genre de dérapage. Le problème n’est pas qu’individuel, il est systémique. Les psychologues en expliqueront les mécanismes de honte, de culpabilité, de peur…
Aujourd’hui, heureusement, dans les discours, et souvent dans les faits, la victime est première, elle peut parler, et la justice joue son rôle. Une logique différente se met en place, on ne peut que s’en réjouir.
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