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Le catholicisme en danger


La crise de l’Église catholique est profonde tant en Occident qu’au niveau mondial ! Qui peut le nier ? La France en est pour le moment le théâtre. Le rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église et la démission de l’archevêque de Paris en sont les tristes illustrations. Un système, que l’on pourrait qualifier de clérical, s’effondre en effet, et bruyamment. Est-ce la fin du christianisme sous sa forme catholique, ou même du christianisme tout court dans nos pays ? On peut se poser la question, que l’on soit croyant ou non. Le catholicisme a-t-il encore un avenir en France ? est la question redoutable que pose l’historien Guillaume Cuchet[1] dans son récent livre. Mgr Joseph Doré, ancien archevêque de Strasbourg, tente d’y répondre dans son dernier ouvrage, Le salut de l’Église est dans sa propre conversion[2].

Sa propre conversion. Il y a urgence. C’est peut-être la dernière chance. L’histoire ne repasse pas les plats, dit-on. En termes bibliques, il s’agit d’un kairos, d’un temps favorable, d’une opportunité à saisir. Si, au 19e siècle, l’Église s’est vécue comme une citadelle assiégée par un monde hostile, aujourd’hui, elle prend conscience que l’ennemi est dans ses murs, que sa propre conversion est urgente Il y va sans doute aussi de l’avenir de notre société, le christianisme offrant à celle-ci des ressources en termes de valeurs, dont il serait dommage de se passer.

La dernière Grande conférence catholique de l’année 2021, le 6 décembre, avait invité à la tribune Michel Camdessus, ancien Directeur général du Fonds monétaire international, et Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du journal « La Croix ». Conscients tous deux de la gravité de l’époque, ils se sont pris à rêver des réformes nécessaires. Michel Camdessus préférait d’ailleurs le mot de transformation, mot au goût de résurrection, de reformatage radical.

Nous subissons en effet encore les séquelles d’un cléricalisme qui arrange finalement tout le monde ! Les fidèles eux-mêmes n’en sont pas nécessairement fâchés. Ils se comportent trop souvent comme les clients d’une station-service des sacrements, regrette Michel Camdessus.

Les deux orateurs ont souhaité que l’on revoie la figure du prêtre, par trop sacralisée. Ils suggèrent d’envisager une pluralité de ministères dans l’Église – et pourquoi pas à temps partiel ? – et demandent d’ouvrir le sacerdoce aux personnes mariées et aux femmes, de revoir la place de ces dernières. Le langage ecclésiastique, souvent difficile à comprendre, est aussi à retravailler, estiment-ils, et la conception de la sexualité et de la famille, à reconsidérer. Ils ont également invité à mettre des gardes-fous dans l’exercice du pouvoir, faisant remarquer que l’évêque les concentre actuellement tous. Isabelle de Gaulmyn a mis en garde contre la tentation de l’entre-soi et pressé les croyants de pratiquer le dialogue avec la société – qui ne partage plus notre anthropologie –, de se salir les mains, selon l’expression du pape.

Concluons. Allons-nous pour autant quitter l’Église ? Guillaume Cuchet nous répond : « Quand on a eu la chance de naître [dans le catholicisme], on y réfléchit deux fois avant d’en sortir. »

Charles Delhez sj

[1] Éditions du Seuil, septembre 2021.s [2] Salvator, octobre 2021.

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