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La montée des extrêmes


Charles Delhez sj —

Dans certains milieux, dont les miens, une inquiétude de plus en plus forte règne. Les politiques de citadelle assiégée gagnent du terrain un peu partout. Je pense à la France, mais aussi à l’Italie, la Hongrie, ou encore aux États-Unis. Chez nous également, l’extrême droite progresse.

Non, je ne ferai pas de la politique surtout quand il s’agit des voisins. Je me contenterai seulement de faire de l’Évangile ! Les évêques français, qui connaissent bien la loi de séparation de l’Eglise et de l’État, sont d’ailleurs intervenus haut et fort durant la campagne électorale. En effet, des partis nationalistes prétendent, en France et ailleurs, défendre la civilisation chrétienne et des catholiques votent pour eux. Or l’originalité de la civilisation chrétienne est ailleurs, dans l’universalisme par-delà toutes les différences de culture, de religion, de race, de genre. Jésus ne demande pas de défendre une culture, même si l’on peut être fier de la sienne, mais de servir l’humain.




Dans le journal La Croix, Mgr, sous le titre « L’Évangile n’est pas à la disposition de nos opinions », n’a pas hésité à rappeler l’incompatibilité des politiques de rejet et d’exclusion avec l’Évangile. Selon l’évêque d’Arras, la seule tradition chrétienne possible est celle qui s’appuie sur la parole de Jésus : « Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (Mt 25, 45). Une seule question nous sera posée au terme de notre vie : qu’as-tu fait de ton frère ?

Comprenant que la situation d’aujourd’hui est complexe et que les gens ont envie d’essayer autre chose, l’évêque n’indiquait évidemment pas pour qui voter. Il rappelait l’incontournable aux yeux de l’Église. Quand l’essentiel de l’Évangile est touché, il faut réagir. Et tant pis si cela fait un peu « de quoi je me mêle ».

Il faut être réaliste, diront certains. Sans doute, mais, je cite Mgr Leborgne, « pour un chrétien, le seul réalisme qui compte, c’est celui du Ressuscité.  Il faut oser des chemins nouveaux et surtout refuser des replis qui ne mènent à rien. »

C’est le grand combat du pape François, dès le début de son pontificat. « Le confinement, lit-on dans son livre Un temps pour changer, nous a ouvert les yeux sur une réalité si souvent cachée : les besoins fondamentaux des sociétés les plus développées sont satisfaits par des migrants mal payés, alors qu’ils servent de bouc émissaire et sont dénigrés, et que le droit à un travail décent leur est refusé[1]. » Le même François disait de manière prémonitoire au corps diplomatique, en 2020 : « Les polarisations toujours plus fortes n’aident pas à résoudre les problèmes vrais et urgents des citoyens. »

De l’autre côté de l’Atlantique, il y a aussi de quoi être inquiet : « Le climat de campagne permanent qui règne dans les démocraties modernes transforme les hommes politiques en machine à répéter les slogans accrocheurs sans véritables échanges avec leurs adversaires[2] », écrit le pape dans son récent Au nom de Dieu .

Que cela ne m’empêche pas de vous souhaiter de bonnes vacances. Un temps à l’écart des mauvaises nouvelles si quotidiennes ne peut faire que du bien. Être trop collé à l’évènement finit par nous voler l’espérance, or celle-ci est une dynamique d’engagement. Et l’avenir attend le nôtre.



[1] Un temps pour changer, Flammarion, 2020, p. 170.

[2] Au nom de Dieu, Artège 2023, p. 53.

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