La dignité intrinsèque de tout être humain
Charles Delhez sj –

Quand on touche à un interdit, la dignité de l'homme en prend toujours un coup. Or l'interdit de tuer est fondateur de notre vie en société : j'accueille toute personne, fût-elle mon ennemi, comme quelqu'un qui a droit à la vie.
Je vise ici l'avortement, l'euthanasie, mais aussi l'âgisme qui prospère. Les personnes âgées sont en effet de plus en plus considérées par notre société technocratique comme une charge, comme des parasites face aux jeunes qui remplissent les caisses des fonds de pension. Un récent film d'anticipation japonais imagine que, pour faire face au vieillissement de sa population, le Japon met en place le "plan 75", un programme permettant d'accompagner les personnes âgées de plus de 75 ans pour se faire euthanasier. Un film qui, heureusement, est une protestation face à ce qui devient hélas un possible.
L'actualité récente nous apprend qu'après des années de résistance, la France se dirige à grands pas vers l'aide active à mourir, y compris pour les mineurs. Toutefois elle balance encore entre l'euthanasie ou le suicide assisté. Une convention citoyenne a voté dans ce sens ce 19 février, malgré les protestations de nombreuses organisations de santé. Si elle choisissait l'euthanasie, elle rejoindrait le petit cercle des six pays sur les 197, dont quatre en Europe, qui l'ont reconnue. Par ailleurs, cinq États des USA et deux pays européens acceptent le suicide assisté qui fait d'un événement privé un choix de société, et non plus un échec personnel.
Récemment, la ministre française Agnès Firmin Le Bodo, en charge du débat sur la fin de vie, est venue s'informer auprès d'experts et de professionnels de la santé de Belgique. Comme a pu le préciser Léopold Vanbellingen, juriste de l’Institut Européen de Bioéthique, la loi belge n’a pas mis fin aux euthanasies clandestines. Vingt ans après sa dépénalisation, en effet, l'euthanasie n’est plus une solution d’exception. On constate même son extension notamment vers les personnes qui ne sont pas en fin de vie. Le professeur Beuselinck a fait remarquer que le critère de maladie grave et incurable s’efface peu à peu devant celui d’absence de qualité de vie. Par ailleurs, la promotion et la médiatisation régulières de l’euthanasie conduisent de plus en plus chaque citoyen à se demander s’il choisira ou non l’euthanasie. L’exception semble inexorablement se transformer en droit du patient.
Pour le croyant, outre les arguments éthiques et anthropologiques, il y a ceux qui relèvent de sa foi. Voici quelques mois, dans un communiqué de presse, la fédération protestante de France a rappelé les quatre principes structurants qui guident sa réflexion. Ce langage de croyant ne parlera sans doute pas aux oreilles non croyantes, mais il a toute sa cohérence. Tout d'abord, Dieu est à l’origine de toute vie. Pour les chrétiens, la dignité est intrinsèque à toute personne parce que créée à l’image de Dieu ; elle ne s’acquiert ni ne se perd. Voici le deuxième principe : la vie est un don, une grâce ; elle s’inscrit dans une interdépendance, où chacun est, à la fois et successivement, aidé et aidant. Et le troisième : la finitude est un élément structurant de la condition humaine. Structurant : il y va de notre identité profonde. Enfin, quatrième principe, celui de la compassion fraternelle avec les plus vulnérables. Tout est dit !
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