Charles Delhez sj –
Ce cher Constantin ! Souvent, on dit qu’en se convertissant de manière intéressée au christianisme, il serait le grand responsable de la confusion entre le sabre et le goupillon, entre la politique et la religion. Faux ! Ce n’est pas lui. Le livre de Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien[1], m’en a convaincu. C’est Théodose qui, 70 ans plus tard, après une parenthèse de paganisme sous Julien l’Apostat, fit du christianisme la religion d’Etat, excluant de l’armée les païens et, en 392, interdisant tout sacrifice religieux. En 416, les fonctions publiques étaient fermée saux païens.
L’Empire romain ne comportait encore que 5 à 10% de chrétiens lorsque, 312, la veille de la bataille contre Maxence, Constantin se convertit suite à une vision. Les persécutions avaient déjà pris fin deux ans plus tôt. Le christianisme était devenu une religion tolérée. Avec Constantin, ce fut le paganisme qui le devint et le christianisme, lui, était désormais favorisé. Jamais cependant l’empereur ne força personne à se convertir à la religion du Christ. Qui plus est, il resta le Grand Pontife des cultes païens tout en se conduisant en protecteur des chrétiens. S’il retarda son baptême, c’est sans doute parce que ses fonctions militaires et judiciaires lui paraissaient peu compatibles avec la charité chrétienne.
A cette époque, le christianisme rencontrait déjà un intérêt certain chez les païens. La conversion de Constantin a fait triompher cette religion de l’amour et de la joie, des pauvres et des esclaves, selon Paul Veyne. Cet auteur, historien français de l’Antiquité romaine, se présente pourtant comme incroyant, il ne peut être accusé de partialité.
Ecoutons-le : « Le christianisme dut son succès de secte à une invention collective de génie : la miséricorde infinie d’un dieu qui se passionne pour le sort de l’humanité - que dis-je, - pour le sort des âmes une par une, la mienne, la tienne, et pas seulement le sort des royaumes, des empires ou de l’humanité en général[2]. » Fin de citation. Les dieux païens, eux, vivaient avant tout pour eux-mêmes.
« C’est par le seul Constantin que l’histoire universelle a basculé[3], », affirme encore notre auteur. Celui qui fut aussi un grand empereur était mû par une utopie et persuadé qu’il avait une mission providentielle. Ses mobiles étaient exclusivement religieux, même lorsqu’il convoqua le concile de Nicée en 315. Il était en effet préoccupé par l’unité des chrétiens.
L’intérêt du livre de Paul Veyne est le nombre de citations du converti lui-même. Celui-ci y apparaît comme un croyant sincère et désintéressé. Il se disait libérateur spirituel et estimait que le paganisme était une erreur. En 313, à Milan, il proclama que le culte païen et le culte chrétien étaient désormais libres et à égalité. Il faut donc parler d’un empire pagano-chrétien, et non pas chrétien. Mais son empereur, à titre privé, souhaitait le triomphe mystique du Christ et désirait mettre fin au règne des faux dieux. Par intérêt politique ? Non. Par piété, pour le salut de ses sujets et même du genre humain, explique Paul Veyne[4]. « Il s’est fait chrétien tout seul[5] », écrit notre hitorien.
Voilà qui change un peu l’image que nous avons de ce personnage. L’histoire du christianisme est plus complexe que nos simplismes habituels.
[1] Albin Michel 2007, Livre de Poche n°31717.
[2] P. 37.
[3] P. 193.
[4] P. 144.
[5] P. 129
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