L’Évangile de l’Esprit
Charles Delhez sj –
En ce temps pascal, le dimanche comme en semaine, les Actes des apôtres sont lus en première lecture. Ce livre fait suite aux quatre évangiles. L’événement Jésus Christ se poursuit à travers ses témoins, dont Pierre et Paul. Il ne s’agit évidemment pas d’une histoire historiquement complète, mais d’un exposé qui nous fait percevoir la force d’expansion, en vagues successives, de la jeune Église. Le but est de nous offrir une grande fresque théologique et non pas un documentaire historique, même si les fondements historiques sont réels.
Appelé parfois Évangile de l’Esprit Saint, ce livre est très probablement le second tome de Luc. Le premier aboutissait à Jérusalem, lieu de la mort et de la résurrection de Jésus ; les Actes partent de là pour aboutir à Rome, carrefour des nations. La Bonne Nouvelle a circulé des Juifs aux païens. Entre ces deux lieux géographiques et symboliques, on assiste à la naissance de communautés qui rassemblent les croyants. Luc en fait le portrait à plusieurs reprises.
Une question est cependant légitime : Luc a-t-il embelli le tableau, décrivant un christianisme qui n’aurait jamais existé ? Son récit n’a pourtant rien d’une histoire de héros triomphants. Ainsi Paul, après chaque rencontre, compte ses blessures. Il arrivera à Rome prisonnier. C'est Dieu qui permet à ces croyants de tenir bon et non pas leurs qualités personnelles.
Remarquons que l’auteur des Actes situe l’expansion du christianisme non dans les temples mais dans les maisons. Le christianisme a gagné par la base et non par le haut, en recomposant un tissu de relations, en faisant naître des micro-sociétés mixtes où se rencontrent personnes aisées et esclaves. Il « est né d’une vérité partagée, échangée, qui a modifié les relations entre ces hommes et ces femmes qui ont pu coexister dans une reconnaissance réciproque ». Si Luc a parfois embelli, c’est qu’il voulait transmettre une forme d’admiration pour ces chrétiens et en faire un modèle. « Il a peut-être embelli le trait, mais pas le fond », nous dit Daniel Marguerat.
Nous sommes dans les années 80. Il devenait nécessaire de fixer l’identité chrétienne. Luc va le faire par rapport au Judaïsme dont l’Église est déjà assez distante à cette époque. Au lieu d’exacerber les différences, il montre comment la voie ouverte par le Christ est constitutivement liée au judaïsme, enracinée en lui, dans la continuité de l’histoire du Dieu des promesses. Pourtant, il y a une rupture non désirée avec le judaïsme. Cette rupture s’est faite sur l’universalité de Dieu : pour les premiers chrétiens, Dieu accueille quiconque indépendamment de son héritage religieux, de son sexe, de sa condition sociale…
Bien que ces événements datent d’il y a 2000 ans, les Actes des Apôtres apparaissent, au fil de la lecture, comme une œuvre particulièrement riche en enseignements pour aujourd’hui. Cette histoire des origines mérite d’être revisitée en ces temps où l’on dit que l’Église est appelée à renaître. Pas question, bien sûr, de reproduire cette aventure à la lettre. Il s’agit de s’adapter à notre situation actuelle, comme la première génération l’a fait à la sienne, notamment lors du « concile de Jérusalem » (15, 1-35) auquel participèrent à la fois Pierre, Jacques et Paul. Aujourd’hui comme alors, il s’agit de comprendre que seules la redécouverte de l’Évangile et une vie de foi intense pourront rendre à l’Église sa force missionnaire.
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