top of page

De l’inutilité de Dieu


Charles Delhez sj —

L’homme existe, voilà le plus étonnant ! Fleur fragile qui bientôt se fanera, il s’ouvre un matin. Il s’épanouit et déploie ses couleurs pour la joie des autres fleurs. Quelle est son utilité, sert-il à quelque chose ? Non. Son apparition est purement gratuite, comme une rose qui s’ouvre, perlée encore de rosée. Il aurait pu ne pas exister. Qui l’aurait déploré ? Le mystère de l’homme, c’est son « inutilité ». Rien n’exige sa présence. Mais sans lui, personne ne saurait que les fleurs sont si belles. Elles ne viendraient pas conjuguer leur beauté dans un vase. Sans lui, personne ne s’enchanterait de la luxuriance de la création.

L’homme, éclos en pure gratuité, est lui-même créateur de gratuité. Ses activités les plus hautes sont marquées au coin de l’inutilité. Une part seulement de son temps, et de plus en plus réduite, va aux problèmes de subsistance. Il travaille pour produire ce qui est nécessaire à la conservation de la vie. Le reste de son activité ne sert à rien, elle ressemble à du gaspillage.

Que d’énergie, en effet, consacrée à la préparation d’une fête ! Les petits plats sont mis dans les grands et présentés avec raffinement, lumières et fleurs réjouissent les yeux, la musique égaye les oreilles. Le temps rebondit en conversations, en danses et en chants. Quelques heures plus tard, cette exubérance ne sera plus qu’un souvenir. Démesure ? Oui. Mais tellement humaine. Car la fête est le propre de l’homme. Elle est pure gratuité, joie d’une présence partagée. Plus une activité se situe dans le registre du gratuit, plus elle touche à l’essentiel, plus elle est humaine.

Au sommet de l’activité humaine, il y a l’art. Le temps qu’un artiste met à réaliser une toile est considérable. Mais pourquoi donc peindre un bouquet de fleurs, un coucher de soleil ou un visage, alors qu’il y en a tant autour de nous ? Il faut des journées de travail pour mettre au point une symphonie qui, en une heure, sera exécutée. Chacun s’en retournera les mains aussi vides qu’il était venu. Lorsqu’un agriculteur travaille, il peut remplir ses greniers. L’art, lui, n’est pas productif. Ce qui est inutile est cependant loin d’être vain. L’art est la respiration de l’âme.

Art et religion ont toujours été mêlés. La religion a suscité quantité de chefs-d’œuvre. L’homme est cet animal religieux qui, dès l’aube de son existence, s’est interrogé sur le mystère qui enveloppait. Et l’amour, l’amitié ? Aimer, c’est précisément être prêt à perdre son temps avec l’ami et pour lui. Le temps, tissu de la vie de l’homme, est alors offert comme un parfum qui se répand. J’ai vu des gens toujours fort occupés qui, lorsqu’ils sont tombés amoureux, ont su trouver du temps à perdre, à partager avec celle ou celui qui avait touché leur cœur. Le temps est fait pour brûler comme l’encens. Qui veut le capturer n’en reçoit que déception et solitude.

Pour comprendre qui est Dieu, il faut une âme d’artiste, un cœur d’amoureux. Il faut accepter de passer des heures à regarder, à s’émerveiller et, comme l’amateur de trésor, être assez fou pour tout vendre afin d’acheter la perle rare. Démence ? Oui, pour celui qui n’est jamais tombé amoureux d’une perle précieuse. Il est impossible de connaître Dieu si tout n’est que calcul et raison. À quoi sert Dieu ? À rien. Mais gardons-nous bien de perdre le sens de l’inutile et du gratuit.




Comments


CONTACT

ACCUEIL

NEWSLETTER

Permanence au presbytère

les mardis et vendredis
de 10h à 12h

Inscrivez-vous ici

à la Newsletter hebdomadaire

de la paroisse 

Rue de l'Invasion 121

1340 Ottignies

010/45.03.72

paroisseblocry@yahoo.fr

bottom of page