Charles Delhez sj –
« Il me semble qu’il n’y a jamais eu l’ampleur et le degré de fureur qui s’exprime aujourd’hui ouvertement contre le pape François », pouvait écrire récemment du sociologue français Jean-Louis Schlegel. Affirmation un peu journalistique ! Aurait-on oublié qu’il y eut même, à un moment donné, trois papes qui se disputaient et qui avaient leurs partisans et leurs opposants. Plus proche de nous, évoquons le débat autour de l’encyclique Humanæ vitæ sur la régulation artificielle des naissances. Se rappelle-t-on surtout que les prophètes de l’Ancien Testament ont eu bien des soucis avec ceux à qui ils s’adressaient. Ainsi Jérémie, dont on lit des extraits en Carême. Il sera accusé, persécuté, incarcéré. Par ses souffrances, il est d’ailleurs une figure du Christ.
Voilà qui me permet d’introduire le livre publié l’an passé sous le titre Au nom de Dieu, je vous le demande, texte inédit du pape François. Le titre m'a attiré, car il me rappelle les prophètes bibliques ponctuant leurs propos de « Parole du Seigneur ». Le sous-titre précise le sujet : Dix chemins pour un monde meilleur. Dans ces pages publiées chez Artège (2023), le pape rassemble dix demandes pressantes et souvent dérangeantes. « Je voudrais vous inviter à faire partie d’un processus de changement », lit-on dans l’introduction.
La préoccupation de François quant à l’avenir saute aux yeux. Il connaît bien le monde aux « polarisations toujours plus fortes », et sous toutes ses facettes. Les plus grandes personnalités défilent à longueur de semaines au Vatican. On ne s'étonnera pas que le pape parle de la question écologique ou de la fraternité universelle, sujet de ses deux encycliques Laudato si’ et Fratelli tutti. Mais le voir si concerné par la communication dans un monde aux technologies nouvelles, par les guerres, les dérives de la politique, les soins de santé, la pauvreté, la promotion de la femme, et j’en passe, est plus étonnant. Épinglons : « Il n’existe aucune occasion où une guerre puisse être considérée comme juste. » Ou encore : « Si seulement nous accordions à beaucoup de migrants et de réfugiés la même liberté de circulation que celle dont bénéficient souvent les marchandises que nous échangeons ! »
Tout le réalisme du pape transparaît dans ces lignes où il manifeste sa conscience aiguë des problèmes que rencontrent les croyants comme les non-croyants. Ces sujets, parfois très clivants, sont « hors Église ». Si François parle de là où il se tient – « au nom de Dieu » – il s’exprime aussi au nom de l’humanité, car les croyants ne constituent pas une race à part. Tout ce qui est humain les concerne, en vertu de leur appartenance à cette commune humanité.
Ce n’est pas un rêve, souligne le 265e successeur de Pierre, c’est une mission de courage et de foi pour tous les hommes de bonne volonté. Pour ceux qui n’ont jamais rien lu de lui, voilà un bon résumé de sa pensée. Il s’exprime comme les prophètes bibliques et déploie une utopie, celle d’un monde qui corresponde au royaume de Dieu annoncé par Jésus. Il ne s’agit pas d’un opium du peuple, mais d’une urgence pour aujourd’hui.
Pèlerins d’espérance est la devise choisie par François pour le jubilé de 2025. Une invitation à « marcher ensemble, en allant de l’avant ». Sommes-nous prêts à emboîter le pas ?
Comments