Appelés par notre avenir

Charles Delhez —
Depuis le 24 décembre, le pape François ouvre un peu partout les portes saintes du jubilé. La plus symbolique est sans doute celle d’une prison romaine. Le thème choisi pour cette année jubilaire est « Pèlerins d’espérance ». La science nous invite à scruter nos origines: d'où venons-nous ? Mais Il est une question à laquelle les scientifique ne peuvent répondre : où allons-nous, connaîtrons-nous la paix, la joie en plénitude ?
Ce regard vers l'avenir, qui devine ce que l'on ne voit pas encore, le rai de lumière dessous la porte encore fermée, les chrétiens l'appellent espérance. Elle se doit d’être active. Une espérance passive est une contradiction dans les termes. Ce n’est qu’un espoir. L’espoir rêve de quelque de chose qui ne dépend pas de nous, ainsi une journée de plein soleil ! L’espérance nous engage : je ne peux espérer un monde de paix si j’entretiens la guerre, fût-ce dans mes relations proches. Je ne peux espérer un monde meilleur qu’en y travaillant.
Espérer est donc bien plus que souhaiter. Ne confondons pas non plus l’espérance avec le progrès que nous identifions facilement avec la croissance illimitée, les découvertes médicales ou les innovations technologiques. Dans son Adresse à l'an 2000 (1986), l’écrivain Jean Cocteau expliquait qu'il était possible que le progrès soit le développement d’une erreur. Il s’agit donc de s'interroger : nous rend-il plus humains ?
L'espérance est un mouvement enraciné au plus profond de nous-même. Il traverse nos espoirs déçus. « Quand l'espérance m'a déçu dans un de mes espoirs, je ne puis plus être fidèle à cet espoir, il me reste à être fidèle à l'espérance », affirme le philosophe Karl Jaspers. L’espoir meurt, l’espérance demeure. Quelque chose me dit que cela vaut la peine de continuer le chemin, malgré les démentis du présent. L'horizon reste prometteur. Antonio Gramsci opposait au pessimisme de l'intelligence l'optimisme de la volonté. Je constate ce qui ne va pas, mais je crois que cela peut aller mieux et je m'y attèle.
Ce mouvement est orienté. C'est l'originalité judéo-chrétienne. Le temps n'est plus cyclique, il y a un horizon. Les juifs attendent un messie. Pour les chrétiens, cet avenir a pris pied parmi nous : le Christ, mort et ressuscité ; il habite déjà l’avenir et nous y donne rendez-vous. À la fin des temps, Dieu pourra enfin dire que « cela était très bon », comme il l'annonce dès la première page de la Bible. Nous avançons tendus vers le Royaume, pas seulement en pensée mais en acte.
Nous sommes « appelés par notre avenir », selon la belle expression de Christine Pedotti. Et cette espérance dans un au-delà « contamine par avance la vie quotidienne », ajoute-t-elle. Dans une société dépressive, on est habitué à voir les menaces, mais l'espérance nous invite à repérer les promesses, les premiers bourgeons. Et n’oublions pas l’imprévisible. Les journaux nous abreuvent de pronostics sombres, mais l'histoire humaine est faite d’événements que nul n'avait imaginés. Des choses que nous ne soupçonnions pas peuvent toujours survenir. Qui avait prévu la chute du mur de Berlin? Tant qu’il y aura des nouveau-nés, l’espérance sera permise.
Un enfant apporte toujours avec lui de l’imprévu. « Chaque enfant qui naît, écrivait le poète indien Tagore, porte en lui l’espoir que Dieu n’est pas découragé au sujet de l’homme ».
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