Un concile Vatican III ?
Charles Delhez sj –

Ce 4 octobre, à Rome, débutera le Synode sur la synodalité. Une assemblée de toutes les espérances et de toutes les peurs, de l'audace aussi. Certains en parlent comme d'un concile Vatican III qui ne dit pas son nom. Que nenni! Il s'agit bien de poursuivre l'œuvre du deuxième, et notamment de sa "constitution dogmatique" sur l'Église, Lumen Gentium, ce document majeur qui expose la manière dont l'Église se comprend elle-même.
La grande nouveauté conciliaire fut de parler de l'Église en termes de Peuple de Dieu. Cette notion, due notamment au cardinal belge Suenens, fut un véritable tournant. L'Église tout entière, tant la hiérarchie que le plus petit des fidèles, est le Peuple de Dieu. L'Église était désormais vue comme une communion fraternelle et non comme un troupeau qui suit ses pasteurs. Une révolution, mais pas une nouveauté : le grand principe, dès les origines (mais pas toujours mis en pratique), est que ce qui concerne tout le monde doit être traité et approuvé par tous.
C'est dans cette ligne-là que se situe le pape François lorsqu'il parle d'une Église synodale (où l'on fait chemin ensemble, selon l'étymologie). Elle avance grâce à l'écoute réciproque et au discernement en commun. "La synodalité exprime la nature de l'Église, sa forme, son style et sa mission", a-t-il pu dire.
Cette démarche a une double dimension. Interne, d'abord. Comment vivre, tant au niveau mondial qu'au niveau de nos communautés locales, une Église synodale ? Mais il faut aussi, au niveau externe, se situer dans l'histoire, pour construire avec les hommes et les femmes de bonne volonté, le monde de demain. Avec ceux qui ne partagent pas notre foi, nous sommes appelés à cheminer, à être en dialogue.
Le but final de ce synode n'est donc pas quelques réformes, dictées par l'Occident ou freinée par les traditionalistes, mais une réforme de fond dans la manière de vivre l'Église, un nouveau modus vivendi et operandi, une nouvelle façon de vivre et de procéder. Procedere, en latin, signifie “aller en avant”. Aucun processus, mot de la même racine, ne produit immédiatement tous les résultats qu'on pourrait espérer. Il s'agit bien de “cheminer ensemble”, de marcher vers le même but. C’est déjà en soi une joie, mais il y a encore beaucoup de paysages à découvrir.
C'est un exercice difficile qui s'annonce ! François, ce pape "révolutionnaire conservateur", selon le titre d'un livre récent[1], a bien des opposants. Il a dès lors annoncé que les échanges dans les groupes de travail ne seraient pas ouverts à la presse, qu’ils seraient couverts par un “secret synodal” afin de préserver la liberté de parole des participants et le caractère religieux du processus. Et c'est heureux. Dans notre société du tout à l'écran et sur les réseaux, un débat serein, à l'écoute de l'Esprit Saint – car c'est d'abord lui qu'il faut écouter – n'est pas aisé, tant chacun a son image à défendre, son idéologie à promouvoir.
Dans une époque de transition, l'Église se doit d'être elle-même en transition, non bien sûr quant à son message, cette Bonne Nouvelle qui traverse les siècles, mais quant à la manière dont elle l'annonce, le vit et le célèbre. Ce n'est pas moins qu'une réforme spirituelle, pastorale et institutionnelle qui est en chantier. Il faudra laisser l'Esprit souffler où il veut, sans vouloir le domestiquer ni lui dire où et comment il doit parler !
[1] Emmanuel Van Lierde, Éditions jésuites, 2023.
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