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Les surprises du pape


Charles Delhez sj —

Mes sentiments sont mêlés au terme de cette visite pontificale où le pape François a perdu son capital de sympathie de la part de nombreux Belges. Certains seront toujours tentés de ne retenir que le positif, d’autres, le négatif, et chacun y verra ce qui va dans son sens. Je me tiendrai sur la médiane.

Dès le départ, il y avait un grand malentendu : un pape habitué à enseigner, posture que la mentalité belge n’accepte plus ; une Belgique habituée à se démarquer, à se proclamer progressiste : au lieu d’écouter le visiteur, on voulait le sermonner. Le clash était inévitable.


Pourtant, que de positif ! Les mots tant attendus à propos des abus sexuels ont été prononcés : crime, honte, demande de pardon. François a présenté des excuses au nom de l’Église. Quinze victimes d’abus l’ont rencontré vendredi soir, sous couvert d’anonymat, à leur demande. Chacune a pu parler avec lui personnellement, un échange commun s’en est suivi. 2 heures 15, au lieu d’une heure. « Il a écouté, m’a confié une des victimes. Il a expliqué ce qu’il a fait et va faire. Il a surtout demandé pardon, un pardon rempli de sincérité enfin. Je me sens libérée, en paix et pouvant enfin avancer sur le chemin de la guérison. »

C’était la première surprise, car certaines personnes n’en attendaient rien. La seconde est qu’il soit venu en Belgique alors qu’il préfère habituellement les pays aux frontières. Mais notre pays n’est-il pas aux frontières les plus lointaines de l’Eglise ? Il a besoin d’un réveil spirituel ! « Nous sommes passés, a dit François, d’un christianisme installé dans un cadre social accueillant à un christianisme de “minorité” ou plutôt, de témoignage. » J’aime. Les autres surprises sont aussi aux frontières : la visite au home des petites sœurs des pauvres, aux sans-domiciles à Saint-Gilles, aux 5.500 jeunes au Heysel, le samedi soir. J’apprécie.

Mais tout ne peut être parfait et on ne s’attend pas à ce que les opposants habituels restent dans les tranchées ! Le pape n’avait-t-il pas le droit, devant la tombe du roi Baudouin, de se dire touché par un souverain pour qui la vie d’un enfant à naître passe avant son trône et qui suit sa conscience ? Respect ! Mais il aurait pu et même dû le dire avec des mots et des images moins blessants. Il était proche du prosélytisme qu’il dénonce, de la croisade. Dommage !

Second bémol : son langage inadapté sur la femme. Le Pape ne voulait pas la réduire à son rôle domestique, mais dire la haute estime que le christianisme en a : elle est « accueil, soin, dévouement vital ». Ce n’était pas un déni du féminisme, il se situait sur un autre niveau. Il semblait ne pas avoir écouté vraiment les étudiants. Là est l’erreur. Un communiqué de l’UCL pour se démarquer fut aussitôt distribué à tous les journalistes. Merci l’élégance ! Par contre, la place des femmes dans les différentes cérémonies organisées par l’Église belge fut une belle surprise.

La visite est terminée. On compte les points. Les catholiques ont connu des moments de grande joie. Quant au dialogue avec la société, c’est un échec. Personnellement, je retiendrai, par-delà les polémiques inévitables, dont l’Évangile lui-même est plein, les innombrables interpellations qui ont ponctué ses discours. « Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, m’écrit une amie. Prenons le positif et que ce qui est négatif soit l’occasion d’une nouvelle réflexion. »


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