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Carême, temps d’arrêt et de décalage


Charles Delhez sj —

Je n’aime pas le Carême. Soyons francs. Je suis si bien, finalement, dans ma petite vie, emporté par mon rythme quotidien. Je ressemble en fait à cette grenouille dans son bocal d’eau froide. Dessous, une flammèche et l’eau tiédit doucement. Délicieux. Elle est bientôt chaude, un peu trop. Mais cela reste agréable, et on s’y habitue. L’eau est maintenant vraiment chaude. La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle est affaiblie, alors elle le supporte. Pas le courage de sauter hors du bocal. La température va ainsi monter jusqu’au moment où il sera trop tard… Elle n’avait pas pris conscience à temps… Le Carême est un temps d’arrêt, de prise de conscience à temps. Sans cela, je me laisserais emporter.

Il s’agit aussi de vivre un certain décalage. Jésus l’a dit : nous sommes dans le monde, mais nous ne sommes pas du monde. Il y aura toujours une tension : ne pas oublier le monde, mais ne pas l’idolâtrer non plus. Certes, parfois le croyant a-t-il tendance à vivre dans sa bulle spirituelle déconnectée de la réalité de ses contemporains. Un berger dont les habits ne sont plus imprégnés de l’odeur des brebis. Mais l’autre tentation est sans doute aujourd’hui plus fréquente : se laisser emporter par le flux du temps qui court, ne plus faire la différence avec ceux qui sont sans Dieu.

Si nous sommes bien dans le monde, nous sommes invités à avoir un pied dans l’éternité. La prière, en nous reconnectant avec notre cœur profond – le grand oublié de nos courses folles –, nous enracine dans le cœur de ce Dieu qui est Père et que Jésus nous invite à rencontrer dans le secret d’une chambre dont la porte est, quelques instants, fermée. L’aumône nous rend attentifs aux autres, or – pour ne pas parler comme Sartre – le paradis, c’est les autres. Et le jeûne nous rappelle que l’empire de la consommation a un goût d’éphémère. Oui, il y a quelque chose de poussiéreux dans ce que nous accumulons.

Riche est la symbolique des cendres sous lesquelles un feu couve, qu’il nous faut rallumer en soufflant dessus. Au cœur de la nuit pascale, il sera vraiment nouveau. Les cendres nous rappellent aussi qu’il y a souvent quelque chose de trop léger dans notre vie, des poussières qui s’accumulent, comme dans un grenier où les vieux trésors sont oubliés, comme dans notre « coin-prière » devenu « coin-poussière », où le livre des évangiles n’est plus jamais feuilleté.

Le chrétien est appelé à vivre un certain décalage, sinon, il n’aura plus rien à apporter au monde. « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé », disait Jésus (Luc 12, 49). Nous sommes donc bien loin du sacrifice pour le sacrifice ou pour être en règle et entretenir notre orgueil spirituel. Il s’agit de reprendre la route. Enfants, nous avons sans doute été baptisés. Mais ne l’avons-nous pas oublié sinon dans notre mémoire factuelle, au moins dans notre manière de vivre ? On nous avait – à nos parents, parrains, marraines, en fait – posé deux questions : renonces-tu (à une certaine logique mondaine, dirait le pape) ; crois-tu en Dieu Père, Fils et Esprit ?

Et si on disait que nous allons vivre ce carême comme si nous devions être baptisés à Pâques ? Nous pourrons alors faire à nouveau le choix d’une vie selon l’Évangile, au cœur du monde.




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