La semaine de prière pour l’unité des chrétiens se termine le 25 janvier par la fête de la conversion de Paul de Tarse[1]. De temps en temps, j’aime reprendre la défense de ce génie de l’humanité, si mal compris parce que si peu ou si mal lu[2]. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile à comprendre, car il maîtrise beaucoup mieux que nous la culture rabbinique et qu’il est aussi d’une époque qui n’est plus la nôtre.
Paul n’est pas le fondateur du christianisme. Il faut le redire. Il est celui qui lui a permis d’atteindre sa dimension universelle déjà esquissée dans les évangiles. Il a perçu mieux que tout autre ce qu’il y avait de révolutionnaire, de radicalement nouveau dans la voie ouverte par Jésus. Il a compris que celle-ci concernait l’humanité, et pas seulement un petit groupe religieux de celle-ci. Ce pharisien a eu l’audace de sortir de son pré-carré. N’est-ce pas ce à quoi nous invite le pape François lorsqu’il parle d’une Église en sortie ? Il lui a fallu se battre contre les siens, et même contre l’apôtre Pierre, pour faire comprendre son message et en tirer toutes les conséquences.
L’homme du chemin de Damas a remplacé la circoncision, rite essentiel pour les juifs et réservé à eux, par le baptême ouvert à tous. Il y voit la source de notre unité, par-delà toutes les différences. « Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus[3]. » Entre les croyants, l’unité supplante les différences. En ces temps où notre humanité rêve d’abattre les frontières, n’est-ce pas prémonitoire ?
Et quand je pense qu’on lui reproche sa misogynie ! « Il n’y a plus l’homme et la femme », tous sur pied d’égalité. N’est-ce pas assez clair ? Certes, il y a encore quelques traces de machisme dans ses écrits, car il est d’une époque très patriarcale. Mais il a opéré un tournant décisif. Celse, au 2e siècle, reprochera aux chrétiens la place qu’ils donnaient aux femmes. Il est peut-être bon de se le rappeler aujourd’hui !
L’apôtre des Nations, c’est-à-dire des peuples non-juifs, est aussi beaucoup plus moderne qu’on ne le croit. Notre époque se caractérise par une attention toute particulière à la personne individuelle, au parcours de chacun. Paul insistait sur la foi plutôt que la loi, sur la démarche libre et non sur la conformité aveugle à des normes.
Mais il n’y a pas que le Paul théologien, il y a aussi l’homme attentif aux communautés qu’il a créées, soucieux de chacune et de chacun. Il y a encore le Paul maître de sagesse, dans la ligne des stoïciens. Que l’on pense au célèbre hymne à la charité, lu lors des mariages, ou encore à tous ces conseils en fin de ses lettres. Ainsi, pour terminer ma chronique, je vous laisse avec cette citation : « Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint. Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit[4]. »
Charles Delhez sj
[1] Dans l’est de la Turquie actuelle. [2] Que l’on pense au fameux « femmes soyez soumises à vos maris », qui suit immédiatement « soyez soumis les uns aux autres » et qui précède : « Mari, aimez vos femmes » . À l’époque, il y avait une relation de type hiérarchique entre l’homme et la femme. Paul les met, sur pied d’égalité, dans le registre de l’amour réciproque et symétrique. « Paul est sans conteste un progressiste du 1er siècle » (Daniel Marguerat, exégète protestant). [3] Galates 3, 27-28. [4] Galates 5, 16… 25
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