Charles Delhez sj –
Ce n'est pas jojo, pardon pour l’expression, d'être prêtre aujourd'hui ! D'un côté, ils sont soupçonnés de tous les abus, de l'autre, on parle de les supprimer. Certes, le cléricalisme fait des dégâts et les dérapages sont nombreux. Mais pour ceux qui ne se sentent pas trop cléricaux et n'ont pas d'abus à se reprocher, ils se promènent avec une triste étiquette sur le front !
Dans le Diocèse de Liège, une brochure circule, sous la signature de plusieurs personnes. Son titre : Rendons l'Église au peuple de Dieu. Sous-titre : Pour en finir avec le cléricalisme. Et la solution proposée est toute simple : supprimons les ordinations ! « Le binôme laïc-prêtre n’est pas structurant pour les premières communautés chrétiennes », peut-on y lire.
Mais qu’appelle-t-on ordination ? N’est-ce pas tout simplement la reconnaissance par la communauté chrétienne, en communion avec l'évêque, du rôle particulier que joue telle personne en son sein ? Un rôle sacramentel, mais aussi, selon la tradition, de gouvernement et d’enseignement, pour ce qui est des prêtres ; de service des pauvres et d’annonce de l’Évangile, pour les diacres. L'imposition des mains est le signe de l'Esprit Saint qui les assiste.
Que ces services glissent parfois vers une prise de pouvoir, c’est une évidence. Le cléricalisme guette tout groupe humain et peut aussi toucher les laïcs. Bien sûr, les prêtres sont dans une position qui les rend plus vulnérables. Mais ils n’en ont pas le monopole. La société n’en est pas indemne non plus, même si cela porte d’autres noms.
Ma préoccupation est semblable à celle des auteurs de la brochure liégeoise : mettre fin au cléricalisme, en essayant bien sûr de ne pas y succomber moi-même. Je ne crois cependant pas que ce soit en supprimant la distinction de Vatican II entre le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel qu'on en sortira. Excusez le langage technique. Expliquons.
Le Nouveau Testament dit clairement que nous sommes, par notre baptême, un peuple de prêtres. Mais certaines personnes sont au service de ce peuple. Dès les premiers siècles, les communautés se sont structurées. Jésus se choisit douze apôtres, Pierre apparaît comme le chef de file ; Paul instaure des Anciens et écrit à ses collaborateurs Tite et Timothée ; Ignace d'Antioche, mort en 110, parle déjà du rôle de l'évêque.
Fût-ce au niveau sociologique, tout groupe humain doit être un minimum structuré et hiérarchisé. Le cléricalisme en est le danger. C’est vrai. Mais son absence est tout aussi dangereuse. La recherche du pouvoir réussira toujours à se faufiler partout, hiérarchie ou pas. Une utopie démocratique nous ferait croire que tout le monde est sur pied d'égalité. Oui, chacun est égal en dignité. Pas question de mettre cela en doute. Tous n’ont pas pour autant le même rôle et la même responsabilité par rapport à l’ensemble.
On peut souhaiter des ministres élus, l'ordination des femmes, et d'autres évolutions, mais la solution n’est pas dans la suppression de tout ministère. Cela dit, il faut revoir l'accession à ces ministères, la formation, le fonctionnement, le partage des responsabilités, et sans doute aussi inventer de nouveaux services adaptés à l'évolution du monde et de l’Église.
Oui, l’Église est l’affaire de tous, mais il faudra toujours quelqu'un qui lave les pieds de ses frères, comme Jésus au soir du Jeudi saint.
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