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Sommes-nous plus humains aujourd’hui ? Oui, mais…




Sommes-nous plus humains aujourd’hui ? Oui, mais… ai-je envie de dire. Dans cette question pointe une comparaison, ce qui est toujours délicat. Nous posons “sur les siècles antérieurs des grilles de lectures que nos devanciers ne possédaient pas”, rappelle l’historien Jean Delumeau. On ne peut juger une époque avec le regard d’une autre. Il faut tenir compte des conditions réelles de chaque époque.

Je crois que la grandeur de toute civilisation tient dans l’équilibre qu’elle a su trouver. Cela n’empêche pas d’en percevoir les lacunes, voire les horreurs. Que l’on pense, hélas, à notre 20e siècle dit du progrès, qui, en chiffres absolus, a battu tous les records. Des noms ? Hitler, Staline, Mao, Pol Pot, les génocides, le colonialisme : 100 millions de morts violentes en 100 ans, estime-t-on. L’Inquisition ou Napoléon sont des nains au regard de ces chiffres effarants.

Il n’empêche, le 20e siècle a connu de gros progrès. Énumérons-en quelques-uns. Ainsi la libération de la femme. Incontestable. Avec ses excès, bien sûr, mais quels pas en avant, sans que nous soyons au bout du chemin ! Parlons de l’esclavage. Il a fallu attendre le 18e siècle pour le voir aboli, même s’il existe encore aujourd’hui et qu’on en a inventés de nouveaux. Quant au racisme et à la xénophobie, le langage dominant les bannit, mais il est difficile de mesurer l’évolution réelle des mentalités et les partis de l’extrême se portent bien.

Du côté de la santé, les progrès sautent aux yeux. Mais il y a aussi ce que l’on appelle des soins et qui n’en sont pas, il y a l’acharnement thérapeutique et la surmédicalisation ainsi que le gaspillage des vaccins et autres médicaments. Quant à l’alimentation, on estime que, dans le monde, 10 % de personnes ont faim, 30 % souffrent de malnutrition et d’aucuns disent que l’ensemble du système alimentaire est à bout de souffle. Côté religieux, il y a davantage de liberté personnelle dans l’acte de croire, plus de tolérance et de respect des différences. Mais il existe encore du radicalisme, de l’intolérance, de la violence au nom de Dieu ; l’indifférence augmente et même la haine antireligieuse.

Restons-en là ! Considérer le verre à moitié plein est une attitude qui nous permet de continuer à vivre, mais peut nous empêcher de voir les progrès encore à faire. Ne serait-il pas plus juste de dire que le verre se remplit petit à petit, mais sûrement ? Certes. Mais hélas, notre capacité de nuire aussi. Une bombe atomique fait plus de dégâts que des fantassins et les drones aveugles sont plus efficaces qu’une épée. Et si on disait qu’il y a deux verres, et qu’il nous faut sans cesse choisir celui que nous voulons remplir ?

Il sera toujours difficile de trouver la balance qui nous permet de voir ce qui, du positif ou du négatif, l’emporte. Mais, après-tout, est-ce à nous à juger ? Contentons-nous de nous engager pour, là où nous sommes, humaniser ce qu’il nous est possible d’humaniser, essayant d’être cohérents avec les valeurs que nous voulons voir fleurir.

Charles Delhez sj


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