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La terre a tremblé


Charles Delhez sj –

En Turquie et en Syrie, la terre a tremblé. Une fois de plus, notre humanité est en deuil. La planète que nous malmenons nous malmène. On compte maintenant plus de 40 000 victimes, et parmi elles, que d'enfants innocents. Déjà, en 1999, la Turquie avait connu un tel drame. D'autres catastrophes naturelles défilent dans ma mémoire. Le tsunami de 2004 ou encore, en 1985, cette coulée de boue qui dévasta le petit village colombien d’Armero. Revient l'éternelle question: Et Dieu dans tout ça ? Au XVIIIe siècle, le tremblement de terre de Lisbonne avait profondément marqué les esprits et Voltaire avait prêté sa plume à cette question.


Il y a le mal fait par les hommes. Dieu devait le savoir qu'avec la liberté qu'il nous donnait, rien n'était gagné. Mais il veut respecter cette liberté jusqu'au bout, il y va de notre dignité. Il y a aussi le mal causé par la nature. Dieu n'aurait-il pas raté sa création?

Depuis toujours, l’homme a essayé d’expliquer le mal et, pour les croyants, de justifier Dieu. On peut faire remarquer que notre monde est créé en devenir. Il n’est donc pas achevé, les plaques tectoniques bougent encore. C'est un élément de réponse, mais suffit-il? Face à la souffrance, ce genre de discours ne changera rien. Mieux vaut d'ailleurs ne rien dire que mal dire, ce qui ajouterait encore au scandale. Le mal humain ou celui causé par la nature restent sans réponse satisfaisante. Si notre intelligence y parvenait, le mal serait comme justifié. Or, en fin de compte, il ne le sera jamais. Il est un raté. La foi en Dieu n'explique pas tout. Mais si nous ne croyons pas en lui, nous perdons notre seul point d'espérance. L'Abbé Pierre avait cette formule suggestive : Dieu est amour, malgré tout. Malgré tout!


Le mal et la souffrance ne sont pas d’abord des questions pour théologiens ou philosophes. Quand on y est affronté, que l'on soit savant ou analphabète, il faut continuer à vivre avec lui, l’apprivoiser, lui résister, le combattre. Heureusement, l'homme n’y a jamais renoncé. « Le mal, c’est ce qu’on se décide à combattre, quand on a renoncé à l’expliquer », proclamait le philosophe Paul Ricœur. Si la prière est une réponse, la solidarité l'est tout autant, et même d'abord. Hélas, si elle fait quelque peu oublier les frontières, les dissensions politiques, ethniques, religieuses compliquent les secours et les calculs d'influence ne manquent pas.

Faire advenir un sens au cœur de la souffrance dépendra toujours de notre engagement. Face au mal, la lutte, manches retroussées avec amour, est la première réponse. Cette lutte peut prendre diverses figures qui vont de l’assistance des Médecins sans frontières à la présence silencieuse et priante d’une religieuse dans les mouroirs de Mère Teresa. « J’ai décidé de me mettre du côté des victimes, en toute occasion, pour limiter les dégâts », dit Tarrou au docteur Rieux, dans La Peste de Camus. C’est le point sur lequel se retrouvent les personnages, croyants ou incroyants, de ce célèbre roman.

Il s’agit donc de lutter contre le mal, pas seulement contre ses effets, mais aussi contre ses causes, naturelles et humaines. Il faut ici rendre hommage à tous les scientifiques de tous genres qui recherchent ces causes pour faire disparaître les effets et faire ainsi reculer le mal. Le dernier mot n'est pas encore dit. Telle est notre espérance.




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