« Peut-on espérer quelque chose de meilleur ? Le moins peut-il engendrer le plus ? » Tel est le cœur du roman Lavande et papillon[1], dernier livre de Philippe Gerday, journaliste belge. Un roman de philo-science-fiction où se mêlent intrigue et réflexion de fond. « La fiction permet de batifoler, sans justification ni calcul », explique l’auteur.
Sur le chemin de Compostelle, une rencontre improbable, celle d’Alain, jeune ingénieur, qui a perdu la foi de son enfance, et de Jean, professeur d’histoire à la retraite. « Mon fol espoir est qu’il y ait un sens », confie le premier au second. S’en suivront de longues réflexions, riches de l’érudition du professeur à la retraite. Pour le bénéfice de l’intrigue, nos deux amis se retrouveront ensuite au CERN, à Genève, où les attend une énigme du genre science-fiction mêlé à une enquête policière. Au cœur de celle-ci, un visage. Je n’en dirai pas plus.
Tout se ramène finalement à la question de Dieu. Ce mot, universel, ne résume-t-il pas en quatre lettres, toutes nos questions ? Ne pointe-t-il pas vers une autre dimension de notre monde ? « Personne ne sait. Par contre chacun est fondé à croire ce qu’il veut. En matière de savoir, nous sommes prisonniers, mais en matière de convictions nous sommes libérés », explique le professeur. Et de déclarer : « Je suis un non-sachant qui espère. » Une longue conversation sur les trois monothéismes s’engage alors, sous l’angle historique tout d’abord, mais pour aller plus loin, estime Jean, il faut convoquer la mystique, que les religions trop souvent trahissent. Dieu ne serait-il pas, suggère ce roman, non à l’origine, mais à la fin ? Mais l’un empêche-t-il l’autre, aurait-on envie de faire remarquer.
Philippe Gerday n’en est pas à son premier roman qui frise toujours l’essai religieux. Manifestement, l’auteur a beaucoup lu. Il vole de fleur de lavande en fleur de lavande, comme un papillon… II convoque la philosophie, l’exégèse, l’histoire, la science, maniant des hypothèses avec ce qu’elles peuvent avoir d’hypothétiques, notamment dans l’histoire des trois monothéismes.
En ces temps de Noël, période où le soleil devenu avare semble renaître, les chrétiens fêtent ce Jésus dont la caractéristique, pour reprendre Philippe Gerday, est d’être à l’origine d’un de ces quelques mouvements qui ont survécu à la disparition de leur meneur. L’interprétation du tombeau vide en termes de résurrection en a assuré le succès. Du coup, le messager n’est plus le messager, mais il est devenu le message lui-même, constate Jean. Et le lecteur chrétien ne peut être que d’accord : le Christ est devenu lui-même une bonne nouvelle. Ne serait-il pas le visage de « l’altérité bienveillante à l’œuvre dans l’univers », pour reprendre une des formules du roman ?
Je me souviens alors de cette phrase d’Olivier Clément, grand théologien du siècle dernier : « Je suis devenu chrétien parce que le christianisme m’est apparu comme la religion des visages[2]. » À Noël, nous fêtons Dieu qui a pris visage humain pour nous manifester son amour bienveillant. Et, dès lors, tout visage humain nous dit quelque chose de Dieu ! Que peut-on espérer de meilleur ? Joyeux Noël déjà !
Charles Delhez sj
[1] Philippe Gerday, Lavande et papillon[1], Altramenta 2021, 193 pages. philippe.gerday@gmail.com [2] Olivier Clément, Dialogues avec le Patriarche Athénagoras, Fayard, 1969, p. 183.
Charles Delhez sj
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