Charles Delhez sj –
L'avortement n'est pas une question éthique, mais un acte médical. Du coup, il peut devenir un droit et même entrer dans la Constitution. Voilà, me semble-t-il, résumée la proposition parlementaire qui circule. À cela s'ajoute la prolongation à 18 semaines, la réduction du délai de réflexion, l'avortement pour raison mal précisée de santé mentale.
Dans ce dossier, le législateur se dit préoccupé de trouver un équilibre entre la protection de la vie à naître et l'autodétermination de la femme enceinte. Mais le grand absent du débat, c'est l'enfant à naître. Et qui donc devrait prendre sa défense, sinon la loi précisément ?
Si tout cela était tellement évident, pourquoi ce débat interminable qui nous a valu l'objection de conscience d'un roi et, aujourd'hui encore, la protestation de médecins, de sage-femmes, d'infirmiers et infirmières qui se disent touchés dans leur vocation de soignants ? Nous sommes nombreux à nous sentir blessés dans notre propre humanité. Me taire serait aller contre ma conscience. Pourquoi une position ne pourrait-elle plus se faire entendre ?
Soyons clairs. La question est bel et bien éthique puisque la vie est en jeu. À 18 semaines, on peut entendre le cœur avec un stéthoscope, 12 à 14 milliards de cellules nerveuses tissent déjà leur réseau. Certes, le fœtus n'est pas viable, mais il est bien vivant. Il est l'architecte de sa propre vie. Cette vie est une vie humaine. La psychologie reconnaît l'importance relationnelle de cette vie prénatale. Nous sommes tous passés par ce stade et il s'agissait bien de nous : aucun embryon ne sera jamais semblable à celui que nous avons été.
Par l’avortement, un processus continu, unique et autonome, en cours dès la conception, est brutalement interrompu. Il faudra procéder à une euthanasie in utero ou à un accouchement prématuré. Une nouvelle histoire humaine commençait et devait se poursuivre jusqu'à son dernier souffle. C'est lors de l'ultime trait sur la toile qu’un peintre peut contempler son œuvre, mais dès le premier coup de pinceau, l'inspiration était déjà là.
Que la loi doive tout faire pour éviter la clandestinité et permettre que celles pour qui l'avortement se justifie d'une manière ou d'une autre puissent le faire dans de bonnes conditions, je peux l'entendre. Qui suis-je pour juger ? Mais que cet acte soit considéré comme simplement médical et donc comme un droit, je ne puis, au nom de ma conception de l'homme, l'accepter. Ne confondons en effet pas une liberté de fait, encadrée par la loi, avec un droit que l'on peut revendiquer.
Je me situe ici non pas au niveau individuel, mais sociétal. Pour les femmes, de toutes façons, l'avortement ne sera jamais un simple acte médical. De longs débats intérieurs précèdent souvent la décision et de profondes blessures intimes en gardent la trace. Je n'ai pas à les culpabiliser. Mais ne m'est-il pas permis d'être inquiet à propos de l'évolution de notre société qui en vient à banaliser cet acte ? Le législateur outrepasse ici szon rôle, il ébranle les fondamentaux de la condition humaine. La vie humaine est sacrée. La loi est là pour la protéger, non pour la mettre en balance. Elle ne pourra jamais faire l'objet d'un marchandage politique
De grâce, qu'on ne culpabilise pas ceux qui n'arrivent pas à considérer l'avortement comme un droit. Les valeurs, même boudées, restent des valeurs. Sauvons-les!
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