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Éloge du sommeil !



Chacun fait ce qu’il peut avec le sommeil. Il y a de bons dormeurs, de moins bons et des spécialistes de la nuit blanche. Pour eux, il y a des cliniques du sommeil ou des méthodes pour, en deux mois semble-t-il, réapprendre à dormir[1].

Chacun sait que, le lendemain d’une nuit trop courte, la bonne humeur n’est pas nécessairement au rendez-vous ! Énervements futiles, disputes inutiles, chamailleries vaines sont plus fréquentes. Les couples peuvent aisément le vérifier. Les enfants aussi. Côté travail, on se sent lourd, confus, brouillon. Tout problème est une montagne. Un corps bien reposé, par contre, est plus enclin à la bienveillance, à la patience, à la souplesse.

Il semblerait que, dans notre société, on ne dorme pas assez. Deux tiers des gens ont moins de huit heures de sommeil, durée préconisée par l’OMS. Certes, on n’est pas toujours maître de son sommeil. Des événements malheureux, de mauvaises nouvelles peuvent troubler notre sommeil. Ou tout simplement les enfants, particulièrement les nourrissons.

Mais il y a au moins trois éléments qui sont de notre ressort.

Le travail, tout d’abord : certains sont dans l’incapacité de se limiter. Comme si tout dépendait d’eux, de leur travail : et l’avenir de leur entreprise et celui du monde ! Avec son style à lui, Charles Péguy écrit : “Je n’aime pas celui qui ne dort pas, dit Dieu. Le sommeil est l’ami de l’homme. Le sommeil est l’ami de Dieu. Le sommeil est peut-être ma plus belle création. Et moi-même je me suis reposé le septième jour. Ils ont le courage de travailler. Ils n’ont pas le courage de ne rien faire[2].” Le poète poursuit : “Et moi je dis Heureux, heureux qui remet à demain. C’est-à-dire Heureux qui espère. Et qui dort.” L’activisme est une maladie de l’espérance, un défaut de confiance.

Mais il y a aussi les loisirs. La semaine est si fatigante, il faut s’éclater ; les amis si nombreux qu’il faut sans cesse les visiter. Il faut fêter les anniversaires, être de toutes les rencontres, et jusqu’aux petites heures, quitte à entretenir de multiples relations superficielles, utiles seulement pour alimenter le compteur des amis sur Facebook.


Une troisième cause ? Les écrans. Que d’heures devant eux ! Ici, c’est un manque de maîtrise de soi. À supposer que les recherches sur écran soient utiles et instructives – mais le sont-elles toujours ? –, il faut savoir limiter sa soif de connaître.


Tout ce qui peut être fait doit-il l’être, au travail, dans les loisirs ou face aux écrans ? N’y aurait-il pas une boulimie en termes d’activisme, de loisirs ou d’informations ?


Dieu comble son bien-aimé quand il dort”, lit-on au Psaume 126 et Jésus, en parabole, rappelle que le blé pousse tout seul, que l’on se lève ou que l’on dorme. Les songes sont nombreux dans la Bible. Les grandes intuitions arrivent souvent durant le sommeil.


Avoir le courage de se mettre au lit, c’est déposer son orgueil et son ego dans les bras de Morphée, c’est un acte d’espérance, car la nuit, dirait encore Péguy, nous permet de croire "que demain ira mieux” !

Bonnes et reposantes vacances !

Charles Delhez sj

[1] Ainsi Benjamin Lubsynski, Bien dormir, ça s’apprend ! Éditions du Rocher, 2020. [2] Voir Charles Péguy, Le porche du mystère de la deuxième vertu, La Pléiade, p. 657-660.

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